SERMON DU GRAND JEUDI

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


Le Grand Jeudi est au cœur de la semaine de la Passion et il est au cœur de notre Foi.

I – C’est la grande semaine de la souffrance. Le Seigneur a déjà été trahi et Il le sait : c’est le mercredi, en effet qui est le jour mémorial de la trahison de Judas, et le lendemain vendredi est le jour de la crucifixion. Entre ces deux jours – que nous marquons chaque semaine par le jeûne, prend place le Grand Jeudi qui est le jour suprême de notre Foi, celui de la Consécration.

Le Seigneur a toutes les raisons d’être triste : Judas L’a déjà trahi, peu après tous les autres apôtres L’abandonneront et Il sera seul pour le Sacrifice de la Croix.

Or c’est en ce jour, à tous égards central, qu’Il institue l’Eucharistie, la consécration de Son Corps et de Son Sang ! pour le Salut de Multitudes d’hommes et de femmes. C’est le Mystère – la communication au Sacré – fondamental de notre foi et à travers toute l’histoire, il est unique. Le sacrifice est au cœur de beaucoup de religions : il est normal d’offrir un vivant à Dieu. Dieu est senti comme la source de la Vie : c’est un retour normal que de lui offrir un vivant. Beaucoup de religions sacrifiaient à Dieu un animal : c’était le cas de beaucoup de civilisations rurales, la bête sacrifiée avait été élevée avec sollicitude et représentait par suite une valeur fondamentale. Parfois on sacrifiait un humain, ce qui est le cas de beaucoup d’autres civilisations également proches.

Mais jamais le sacrifice n’était le sacrifice d’un dieu, à plus forte raison DU DIEU UNIQUE, du Dieu volontaire. Cette conjonction ne se trouve QUE dans le Christianisme

Mais le Christ notre Dieu, en fondant en ce jour même l’Eucharistie, consacre Son propre Corps et Son propre Sang pour le salut de beaucoup, et explicitement, ce sacrifice est destiné à être renouvelé : «Faites ceci en mémoire de Moi». C’est un sacrement éternel, le christianisme et, en ceci exceptionnel et unique.

II – Mais, en ce même jour du Grand Jeudi, Christ notre Dieu renouvelle fondamentalement par le Lavement de pieds la notion de supériorité. Cette idée d’être «le premier» était au cœur des mentalités, y compris religieuses. «Qui est le plus grand?» se demandent implicitement ou explicitement les apôtres. Jean et Jacques demandent au Christ de siéger l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche dans Son Royaume et cette demande suscite beaucoup de contestations parmi les autres apôtres.

Le Christ, en ce jour, montre que Ses disciples fidèles n’avaient encore rien compris. Il se ceint Lui-même d’un linge et se met à laver les pieds de Ses propres disciples. Pierre dont on sait combien il était spontané, proteste d’abord violemment, mais le Christ lui dit que s’il ne se laisse pas laver les pieds par Lui, il n’entrera jamais dans le royaume des cieux ! « Alors, aussi bien, riposte-t-il, la tête et les mains ! »

Il était spontané et sincère …

Mais ce qui est fondamental et que le Christ explicite, c’est qu’il n’y a pas de supériorité parmi les disciples, si ce n’est en leur service. Cela renverse complètement la notion traditionnelle de supériorité. Les supérieurs, antérieurement se faisaient servir. Le Christ n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir !

Tout est changé : l’Église n’est pas une société comme les autres, elle est une société fondamentalement autre : les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers !

III – Mais Christ illustre en Lui-même et lors de ce grand Jeudi, par les abandons qu’Il constate la vérité de cette doctrine fondamentale : les premiers seront les derniers.

Le grand Jeudi est en effet le jour où Judas, l’un des douze, consomme sa trahison ! Il arrive avec des hommes d’armes. Suprême dérision, c’est par un baiser – salutation antique traditionnelle – qu’il désigne le Christ à ses complices qui s’emparent de Lui.

Mais les autres disciples ? Au cours de cette même soirée, le Christ, par trois fois, se retire pour prier et recommande à Ses disciples de prier aussi : mais Il les trouve endormis ! Lors de la soirée, Il leur annonce que tous L’abandonneront. Pierre, évidemment, proteste qu’il ne Le reniera jamais ! Mais le Christ lui annonce : «Avant que le coq ne chante, tu m’auras renié trois fois». Ce qui se produit effectivement.

Le troisième enseignement fondamental de ce grand Jeudi, c’est la solitude totale du Christ dans Son Sacrifice rédempteur : Il ETAIT SEUL parce que tous L’avaient abandonné !

Que le Christ nous donne, Bien-aimés Frères et Sœurs, de ne jamais L’abandonner !


AMIN

 

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SERMON de l’ANNONCIATION

et de la RESURRECTION de LAZARE



Annonciation : Vêpres : Exod. III, 1-8 ; Prov. VIII, 22-30 ; Genèse XVIII, 20-33
Matines : Luc, I, 39-49, 56
Liturgie : Hébr. II, 11;18 Luc, I, 24-38

Lazare : Liturgie : Hébr. : XII, 28-XIII, 8 ; Jn XI, 1-45



AU NOM DU PERE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


L’Annonciation est le commencement de notre Salut ! ont dit avec justesse les Pères de l’Eglise. C’est une très grande fête de la Mère de Dieu, mais parmi les grandes célébrations mariales non dépourvues entre elles de similitudes liturgiques, la liturgie de l’Annonciation nous apporte des enseignements d’une particulière richesse.

I – Elle comporte, initialement, une prémonition théophanique d’une forte densité symbolique. Tiré de l’Exode, c’est l’épisode du Buisson ardent. Moïse voit dans la montagne déserte un Buisson qui brûlait sans se consumer. Surpris de ce phénomène, il s’approche et Dieu lui parle : «Déchausse-toi [ce qui veut dire que la terre de ce lieu est sacrée], Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob …». De ce buisson ardent, Dieu s’adresse à lui. Ces paroles divines venues d’un buisson qui ne se consumait pas sont manifestations du Dieu-Parole, c’est-à-dire du Verbe, et nous savons, nous orthodoxes, que le buisson ardent est une icône de la Mère de Dieu qui porta en elle le Verbe de Dieu sans être consumée. Or Dieu dit à Moïse qu’Il a vu l’affliction des Hébreux sous les Egyptiens et qu’Il est résolu à les délivrer et à les conduire vers la Terre Promise.

C’est donc la grande libération historique des Hébreux, prélude à la libération des humains, opérée par le Libérateur qui naîtra selon la parole de l’ange du buisson non consumé, Marie la Vierge. Nous joindrons à cette annonce de joie, le passage de la Genèse lu à la Sixième Heure. Il s’agit de Sodome et Gomorrhe dont le scandale est monté jusqu’à l’Eternel qui envoie des anges – apparus au Chêne de Mambré. Or tandis que ceux-ci vont remplir leur mission, Abraham continue, avec une hardiesse dont il est confus, son dialogue avec l’Eternel … «Peut-être y a t-il dans ces villes perverties, cinquante justes … Les feras-Tu périr et ne feras-Tu pas grâce à cause d’eux». «Je ferai grâce, dit Dieu, pour ces cinquante justes !» - Et, poursuis Abraham, s’il ne s’en trouve que quarante-cinq ? – Je ferai grâce, dit Dieu pour ces quarante-cinq ! Le dialogue continue : «Et s’il n’y en a que quarante ?». Dieu fera grâce ! Abraham continue longuement … «Et s’il ne s’en trouve que dix ?» Le Seigneur fera grâce à cause de ces dix ! Même pour une poignée de justes !... Nous voyons par là l’infinie Miséricorde de Dieu, cette Miséricorde dont procède notre Salut dont nous célébrons l’annonce.

II – Avec la péricope de l’Epître aux Hébreux de l’apôtre Paul, nous sommes au cœur de l’avènement du Salut : «Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés ne sont qu’un» : c’est pourquoi Il – c’est-à-dire le Christ – n’a pas honte de les appeler ses frères. C’est les enfants que Dieu Lui a donnés, et, puisque ces enfants sont chair et sang, il a Lui-même participé à leur nature, afin que, souverain sacrificateur semblable à tous ses frères – de la postérité d’Abraham que nous retrouvons ici – Il détruisît, par sa mort l’empire du diable et de la mort. Car Il n’a pas pris les anges, mais la descendance d’Abraham. C’est pourquoi il a fallu qu’Il fut semblable en toutes choses à Ses frères, afin qu’Il fût un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle –repensons à l’inlassable miséricorde du Dieu d’Abraham – et qu’Il remplisse pleinement l’expiation pour les péchés du peuple dont Il avait assumé la nature.

III – Rien, en effet, n’est impossible à Dieu. D’où l’association, dans les deux péricopes évangéliques, de la conception de la Stérile – c’est-à-dire Elisabeth, la mère du Précurseur – et de l’Incarnation du Verbe en Marie la Vierge.

L’évangile de Matines est celui de la Visitation : l’ange en effet dans son annonce à Marie avait explicitement mentionné l’attente inattendue d’Elisabeth et Marie lui rend aussitôt une longue visite. Elisabeth s’émerveille que la mère de son Seigneur la visite : Tu es bénie entre les femmes, dit-elle, et le fruit de ton sein est béni, et Marie répond : Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur

Auparavant, l’ange Gabriel avait paru devant Marie : Réjouis-toi, Marie pleine de grâces, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre les femmes, et avait annoncé qu’elle concevrait un fils auquel elle donnerait le nom de Jésus … Marie s’était étonnée «car elle ne connaît pas d’homme». L’ange lui dit que l’Esprit surviendra en elle, et, lui révélant que la stérile Elisabeth attend un enfant, il ajoute : «car rien n’est impossible à Dieu»

Christ S’est incarné du Saint-Esprit et de Marie la Vierge. Il a vécu parmi nous. Il a été crucifié et Il est ressuscité : par Sa mort, Il a vaincu la Mort. Rendons-Lui gloire ! et vénérons l’Annonciation faite à Marie, la toujours vierge.

IV – «Dieu est un feu brûlant», commence l’apôtre, dans cette péricope presque finale de l’Epître aux Hébreux, et il poursuit en évoquant toutes les vertus conseillées aux chrétiens, l’hospitalité – certains n’ont-ils pas reçu des anges, sans le savoir … – la visite des prisonniers, le mariage honorable, l’absence de toute avarice ; toutes les vertus personnelles, en somme : Dieu n’a-t-il pas dit : Je ne t’abandonnerai point.
Il faut se souvenir aussi de nos maîtres, ceux qui nous ont apporté la Parole de Dieu, imiter leur foi et leur vie. L’apôtre conclut ces avis par cette vérité de référence, absolue et qui est la base de tout : «
Jésus-Christ est le même, hier, aujourd’hui et éternellement !».

Mémorable Préambule qui nous conduit à la Résurrection de Lazare.

V – Celle-ci est racontée par saint Jean dans toutes ses circonstances. Lazare était tombé – gravement – malade et ses sœurs, Marthe et Marie firent prévenir son ami, le Seigneur. Mais celui-ci ne se pressa pas de venir : cette maladie n’est pas la fin : elle est pour la gloire du Fils de Dieu … Le Seigneur, en l’occurrence, ne se désigne pas, ici, comme «Fils de l’Homme», comme il fait souvent. C’est en effet en tant que Dieu qu’Il ressuscitera Lazare. Il prend son temps, deux jours passent, et Il dit aux apôtres : «Lazare dort !». «S’il dort, c’est qu’il va mieux !», disent ceux-ci avec bon sens. Mais le Seigneur explicite : Lazare est mort et je me réjouis à cause de vous afin que vous croyiez ! Jésus a ressuscité d’autres morts, le fils de la veuve de Naïm, la fille de Jaÿr … mais jamais Il n’avait explicité cet objectif. Nous sommes vraiment dans une circonstance exceptionnelle – puisque nous arrivons à quelques jours de la Passion – et la résurrection de Lazare est elle-même singulièrement spectaculaire. Elle l’est d’autant plus que Lazare était mort depuis quatre jours : or chacun sait, dans les civilisations traditionnelles, que l’âme ne quitte le corps que le troisième jour – commencement de la corruption de la chair. L’apôtre poursuit, il modèle son récit sur la lenteur de son Divin Maître. Marthe, sachant que Jésus arrivait vient à sa rencontre et lui dit : «Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort !». «Ton frère ressuscitera !» - «Au dernier Jour, je sais bien !», répond la pieuse Marthe. «Je suis la Résurrection et la Vie !» – autre révélation exceptionnelle dans cet épisode d’exception. «Quiconque croit en Moi – fût-il mort – vivra ! Crois-tu cela ?». Marthe acquiesce et elle poursuit : «Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir en ce monde !». Plénitude de la foi, de la confession explicite de Marthe …

L’épisode évangélique continue à se dérouler, lentement. Marthe fait avertir sa sœur, celle-ci quitte ses visiteurs – qui la suivent en pensant qu’elle va pleurer sur la tombe de son frère. Elle arrive. Le Seigneur n’a pas bougé du lieu où Il avait rencontré Marthe … Marie arrive, tombe aux pieds de Jésus en pleurant et redit à peu près les mêmes paroles que Marthe. Les autres Juifs qui l’avaient suivi, pleuraient aussi … Jésus frémit en Lui-même, Il demanda : «Où l’avez-vous mis ?» – Car homme, Il ne le savait pas –, et Lui aussi pleura si bien que les témoins disaient : «Voyez comme Il l’aimait» … On Le conduit au tombeau ; Il dit d’enlever la pierre qui fermait le sépulcre – «Seigneur, dit Marthe, il pue déjà …». Lazare était mort depuis quatre jours et la corruption de son corps avait commencé. Alors le Fils de Dieu adresse à Son Père une brève prière : «Je sais bien que Tu m’écoutes toujours, mais je te remercie à cause de ceux-ci».

Alors, en tant que Dieu, Il crie d’une vois forte : «Lazare, sors de là !» et Lazare, tout enveloppé de bandelettes – qui rendent tout mouvement impossible – sort du tombeau, le visage encore couvert du voile de face. Quelques jours plus tard, il participait à un repas chez lui avec ses amis et ses proches, en présence de Jésus.

La résurrection de Lazare MORT DEPUIS QUATRE JOURS est, peut-on penser, le sommet incontestable de tous les miracles accomplis par le Seigneur lors de Sa vie terrestre !

Que les prières de saint Lazare nous accompagnent en cette fin du Carême.


AMIN



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CINQUIÊME DIMANCHE DE CARÊME
Sainte Marie l’Egyptienne


Hébr. IX, 11-14 ; Marc X, 32-45
Gal. III, 23-29 ; Luc VII, 36-50


AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


C‘est aujourd’hui, en ce cinquième Dimanche de Carême, la fête de Sainte Marie l’Egyptienne, et en même temps de toutes les Marie, petites et grandes, qui sont dans notre paroisse, puisqu’en général dans les pays orthodoxes les nommées «Marie» ont pour sainte patronne, non, par suite du respect, la Mère de Dieu, mais cette grande sainte, qui, après avoir vécu plusieurs années dans le péché, se convertit à la suite d’un miracle de la Mère de Dieu et passa plusieurs dizaines d’années dans le désert et dans la pénitence où saint Zozime la découvrit et lui donna la communion, alors qu’elle était elle-même dans une extrême vieillesse. Honneur à la Sainte et aux petites et grandes Marie !

Les Dimanches précédents ont été consacrés à ces héros de la Grâce que furent saint Grégoire Palamas et Saint Jean de l’échelle. Ils étaient moines depuis leur jeunesse et l’un et l’autre furent les guides de nombreux moines et demeurent des Lumières du Christianisme. Toute différente était sainte Marie l’Egyptienne. C’était une pécheresse, comme dit l’Ecriture et elle avait entraîné beaucoup dans le péché. Elle était donc à l’opposé des deux maîtres que nous venons de nommer. Or voici qu’un jour cette pécheresse voulut entrer dans une église consacrée à la Mère de Dieu. La porte était largement ouverte, Marie s’approcha et une force invincible l’empêcha d’y entrer ! Marie n’avait pas choisi de se consacrer à Dieu, bien au contraire ! Mais c’est Dieu qui l’avait choisie ! Marie comprit et partit dans le désert où elle se consacra à la pénitence … Il y a ceux dont la Grâce couronne les efforts et parfois, la Grâce elle-même vient au devant du pécheur !

I – L’apôtre, dans l’épître aux Hébreux, rappelle la structure de l’ancien temple, comportant un premier «tabernacle» conduisant au second que l’on désignait comme le «Saint des Saints». Or, fait-il comprendre, le «premier tabernacle» n’avait pas encore été ouvert véritablement, ce qui veut dire que les sacrifices du «Saint des Saints» étaient seulement une image. Christ, par contre, «venant d’un tabernacle qui n’a pas été fait de main d’homme», c’est-à-dire du séjour éternel de la Divinité, est entré véritablement dans le Saint des Saints. Il y est entré une seule fois, avec Son propre Sang – et non celui des «victimes», boucs ou taureaux, offertes en sacrifice –, mais Il nous a obtenu par cette seule fois la purification, c’est-à-dire la Rédemption éternelle. Ce qui est complexe pour nous, ici, a trait à la structuration du temple juif, mais avec le Christ, Sacrificateur éternel et Rédempteur, nous débouchons au cœur même du christianisme.

Aussi bien la seconde Epître, celle de la sainte, nous est-elle tout à fait familière : «Ceux qui ont été baptisés en Christ, ont revêtu le Christ», comme le chœur le chante dans certains offices à la place de «Saint Dieu, Saint Fort, Saint immortel» ; l’ancienne Loi a été notre conducteur pour nous amener au Christ, mais le Christ étant venu, nous n’avons plus besoin de ce conducteur car nous sommes enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ, et la conclusion, pour paradoxale qu’elle soit, nous est également familière : «Puisque vous appartenez au Christ, vous êtes donc de la descendance d’Abraham et les héritiers de la Promesse». Nous sommes en effet les nouveaux Juifs.

II – Dans la péricope de Marc pour ce jour, comme dans une péricope lue récemment, le Christ annonce explicitement à Ses apôtres, la Passion, Sa Mort et Sa Résurrection. Il n’est guère compris ! Les apôtres semblent préoccupés de prééminences : sujet futile ! Jacques et Jean Lui demandent d’être, dans Son Royaume, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche. «Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? Recevoir le baptême que je vais recevoir »? «Nous le pouvons !» répondent-ils avec présomption … Effectivement, leur répond le Christ – et là nous entrons dans les choses sérieuses et dans la Vérité – vous boirez de la même coupe et vous serez baptisés du même baptême : et Il leur annonce par là leur martyre. Mais quant aux places que vous demandez, elles reviennent à ceux à qui elles ont été accordées … Ils comprennent ou ne comprennent pas, toujours est-il qu’il y a aussitôt après dispute entre les deux qui avaient parlé d’abord et les autres apôtres. Les apôtres, en somme, étaient bien humains … Comme nous-mêmes ! Mais le Christ conclut ces discussions futiles en donnant le principe même du primat parmi les chrétiens : le Premier sera le serviteur de tous, comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie POUR LE SALUT DE BEAUCOUP !

III – L’évangile de Luc, en la péricope qui honore Sainte Marie l’Egyptienne, raconte l’histoire d’une pécheresse – il y en avait beaucoup en Israël ! – qui, sachant où mangeait Jésus, à savoir chez Simon le Pharisien, y vint avec un vase d’albâtre dans lequel était un parfum de grand prix et se mit à laver les pieds du Seigneur en pleurant, les essuyant avec ses cheveux …. Le Pharisien pense en lui-même que si Jésus était vraiment un prophète, il saurait quelle est cette femme …

Mais Jésus l’interpelle et lui raconte l’anecdote de ces deux emprunteurs devenus insolvables, dont l’un devait cinquante deniers et l’autre cinq cents. Ni l’un ni l’autre ne pouvaient rembourser, et le créancier leur remit leur dette. Lequel, demande le Christ à Simon, lui sera le plus reconnaissant ? «Celui, je pense, répond Simon, qui lui devait la plus grosse somme» ! Tu as bien dit ! répond le Christ. Il oppose alors l’hospitalité parcimonieuse de Simon, qui ne Lui a pas donné de l’eau pour Ses pieds, qui ne Lui a pas parfumé la tête, contrairement à ce qui se faisait dans la société d’alors, tandis que cette femme ne cesse pas de Lui laver les pieds avec un parfum de grand prix, de pleurer et de Lui essuyer les pieds avec ses cheveux … Ses nombreux péchés lui seront pardonnés PARCE QU’ELLE A BEAUCOUP AIMÉ. A celui qui aime peu, peu sera pardonné … Jésus renvoie la pécheresse à qui Il vient de remettre Ses péchés : «Va en paix, ta foi t’a sauvée

Conclusion : Tel est, Frères et Sœurs bien-aimés, notre Souverain Sacrificateur. Il est venu du «tabernacle éternel» pour remplacer les sacrifices en quelque manière fictifs de l’ancienne Loi, par le Sacrifice Véritable, que nous venons de célébrer ici, aujourd’hui même, en donnant Sa Vie pour nous. Quelle plénitude incommensurable de Son amour ! Oh, certes, nous sommes, chacun de nous, tout petits, tout médiocres, tout nuls. Mais, comme la pécheresse, comme sainte Marie l’Egyptienne, nous pouvons aimer : aimons-Le de tout notre cœur, chers Frères et Sœurs et ayons totalement confiance en Son infinie Miséricorde !

 

AMIN

 

 

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QUATRIÈME DIMANCHE DE CARÊME
Saint Jean Climaque ou "de l’Echelle"


Dimanche : Hébr. VI, 13-20 ; Marc IX, 17-31
Saint Jean : Eph. V, 9-19 ; Mat. IV, 25 - V, 12


AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs


I – L’apôtre, dans un paragraphe précédent poursuivait ses exhortations morales bien adaptées à ce temps pénitentiel : persévérez, ne vous relâchez pas, étant ceux qui, par la foi sont devenus héritiers de la Promesse, et de là il en vient au texte que vous avez entendu, c’est-à-dire à la Promesse de Dieu à Abraham : «Je te bénirai et multiplierai ta postérité …», mais il souligne que Dieu promet cela par serment, un serment sur lui-même, puisqu’il n’a pas de supérieur. Nous avons donc, comme Abraham dont nous sommes les héritiers, la Promesse ET le Serment. C’est là, ajoute-t-il, l’ancre – la métaphore est étrange – l’ancre par laquelle notre âme se trouve amarrée, une ancre qui pénètre au-dedans du rideau [le rideau mystique qui sépare le Sanctuaire du Temple où sont les fidèles], là donc où est entré notre «Précurseur», comme dit saint Paul, le CHRIST, grand Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech.

L’épître nous a fait passer du plan de la morale et de la bonne conduite aux réalités mystiques.

II – La péricope évangélique nous ramène, pourrait-on presque dire, au plan de la quotidienneté – du miracle, cependant ! – puisqu’il s’agit de la guérison de l’enfant que notre médecine qualifierait d’épileptique, cet enfant possédé du démon lequel le faisait tomber dans des crises de tétanie et autres, le jetant éventuellement dans le feu ou dans l’eau.

Nous nous trouvons au plan de la thaumaturgie. Le Père qui amène son malade au Christ, lui dit qu’il l’a préalablement montré aux apôtres qui n’ont pu le guérir … «Hommes de peu de foi !» dit le Seigneur. Lui-même guérit l’enfant, ainsi que raconte l’évangile. Mais le Christ dit au père : «Crois-tu ?». La foi – dont témoigne aussitôt le malheureux père –, est l’adhésion indispensable de celui qui recourt au Christ.

Cette guérison – qui ne nous surprend pas ! – suscite par contre l’interrogation des apôtres : «Pourquoi, nous, n’avons-nous pu le guérir ?». Or le Christ leur répond : «Cette race de démons ne peut être vaincue que par le jeûne et la prière». Le jeûne et la prière, nous y sommes particulièrement adaptés en cette période de Carême, nous en expérimentons chaque jour la dimension morale et spirituelle. Nous progressons par le jeûne et la prière. Mais l’enseignement du Christ notre Dieu nous en fait percevoir ici la dimension MYSTIQUE. Nous connaissons leur dimension humaine et morale, mais le Christ nous fait percevoir leur efficacité AU DELA DU VOILE, dans cet au-delà du voile, où, par le Christ, nous sommes ancrés – comme un navire, selon la métaphore de l’apôtre Paul.

Etant ainsi prédisposés à comprendre, nous comprenons que la péricope évangélique se poursuive par l’annonce de la Passion et de la Résurrection : Celui qui, sous nos yeux a guéri le jeune épileptique, Il est notre Grand Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech. Les miracles qu’Il accomplit sont le prélude de cette GUÉRISON éternelle qu’est le Salut, accompli «une fois pour toutes» par notre Grand Prêtre éternel, le Christ.

III – «Vous étiez dans les ténèbres, mais vous êtes lumière dans le Seigneur : Marchez donc comme des enfants de lumière !» dit l’épître aux Ephésiens qui détaille ensuite tous les fruits de l’esprit, la bonté, la justice, la vérité. C’est pourquoi il était dit : «Réveille-toi, toi qui dors et le Christ t’éclairera

Mais l’évangile qui suit, en l’honneur du guide des moines qu’était saint Jean de l’Echelle, n’est autre que le «grand» évangile des béatitudes, celui que l’on trouve chez saint Matthieu et celui que nous entendons tous les dimanches.

Sagesse surhumaine et divine, inépuisable et au-delà de tout commentaire et qu’on ne peut cesser de contempler et d’adorer !

En l’honneur de ce moine et guide spirituel éminent, en la pensée aussi de tous ceux qui sont dans les ténèbres et la recherche, de ceux qui sont dans l’angoisse et de tous ceux qui, dans notre paroisse, ont des raisons d’inquiétude ou de tristesse, j'attirerai l'attention sur deux points seulement : Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux : être pauvre "en esprit", que l'on soit milliardaire ou pas, c'est avoir tout abandonné pour le Christ : soucis d'ambition, préoccupations financières, carrière, vicissitudes de santé ... : Tout !

Et en l'honneur particulièrement de ce saint moine : Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Voilà la véritable pureté de cœur : "voir Dieu" ! Par les prières de saint Jean et des saints moines ascètes, puissions-nous nous aussi surmonter nos avanies et nos tristesses et parvenir à la pureté du cœur et à l’Illumination divine !


AMIN

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3-e DIMANCHE de CARÊME : VÉNÉRATION de la CROIX



Liturgie : Hébr. IV,14-V,6 ; Marc VIII,34-IX,1



AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


I – Ce troisième dimanche de Carême est celui de la Croix. Nous avons eu, avec le Triomphe de l’Orthodoxie, la fête des Icônes qui sont le signe visible de la Divinité du Christ. «Dieu, nous L’avons vu !», c’est le cri de victoire des orthodoxes. Nous L’avons vu et nous Le voyons dans toutes nos églises, dans toutes nos maisons, présent dans Ses saintes icônes que nous vénérons avec piété, sur lesquelles nous déposons avec ferveur le baiser de nos lèvres. Le deuxième dimanche de Carême était celui de ce maître de la mystique, Grégoire Palamas, guide de nos âmes par l’hésychasme, lequel, par l’inhabitation en nous du Nom de Jésus, nous conduit à la participation de la Lumière incréée, la Lumière du Thabor. Dans la continuation de ce cheminement de carême, voici que, en ce troisième dimanche, nous sommes directement face à face avec la Croix, avec le Christ Lui-même qui nous a sauvés et rachetés par Sa Croix.

II – A cette confrontation nous prépare l’Epître aux Hébreux dans la péricope d’aujourd’hui, tout entière consacrée au Sacerdoce de Jésus-Christ, sacerdoce souverain et éternel. Nous avons en Christ, le souverain Sacrificateur, Celui qui peut offrir le Don pour le peuple – puisque Il connaît par Son Humanité notre humanité qu’Il élève vers Dieu. Ces offrandes, il est dit, ailleurs, qu’Il les a accomplies une fois pour toutes, puisque Il s’est offert Lui-même par la Croix. Or, cette médiation, poursuit l’Apôtre, personne ne peut s’en investir soi-même, l’assumer soi-même. Aussi le Christ ne s’est-Il pas attribué la gloire d’être souverain sacrificateur, Il l’a reçue de Celui qui a dit : «Tu es Mon Fils : aujourd’hui [C’est-à-dire : éternellement] Je T’ai engendré». Mais le Même Lui a dit aussi : «Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech». «L’ordre de Melchisédech» correspondant au Nouveau Sacerdoce, celui de la Foi, alors que le sacerdoce ancien, celui d’Aaron et des lévites, était celui de la Loi. Or le Christ était de la tribu de Juda (dans laquelle, jusqu’alors, ainsi que le rappelle un peu plus loin l’apôtre Paul, il n’y avait pas eu de sacerdoce).

III – La révélation plénière, en ce jour et pour toute la suite, se trouve dans la péricope évangélique de Marc. C’est une révélation traumatisante pour chacun de nous : «Quiconque veut venir à Moi, qu’il renonce à soi-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive !». «Qu’il se charge de sa croix», cela a été dit avant la crucifixion, ce qui montre, à la fois que cette crucifixion était volontaire et également que cette exhortation ne s’applique pas à un acte unique du fidèle, mais à toute sa vie. En effet, le Christ précise : «Quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie pour l’amour de Moi et de l’évangile la sauvera».

«Vouloir sauver sa vie» qu’est-ce à dire ? C'est-à-dire : vouloir pour soi tous les biens désirables de ce monde, une situation sociale toujours meilleure, toujours plus d’argent, et par suite, tous les biens que l’on désire et dont on veut jouir.

Or le Christ ajoute : «Que servirait-il de gagner le monde [donc tous les biens que j’ai dit] et de perdre son âme»? Il explicite également ce que signifie cette course après les biens humains : «Quiconque aura eu honte de Moi et de Mes paroles – l’appât du gain et des jouissances, vous le comprenez, bien-aimés Frères et Sœurs, est en effet une répudiation du Christ – quiconque aura eu honte de Moi et de Mes paroles, le Fils de l’Homme le répudiera aussi quand Il viendra avec ses anges !».

L’option de la croix n’est pas facultative : elle est la condition même du Salut ! Pensons-y avec gravité, frères et sœurs bien-aimés !

Mais la contrepartie est à portée de la main : certains ne mourront point sans avoir vu le règne de Dieu venir avec puissance ! Cela ne s’applique pas seulement aux témoins historiques de la Transfiguration, mais à tous ceux qui, suivant la voie de saint Grégoire Palamas, verront luire sur eux la Lumière Incréée.

Que, par Sa Croix, le Christ notre Dieu nous accorde aussi cette Illumination plénière !


AMIN



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