Le Patriarcat Stalinien
Bien sûr, nous savons tous que le Patriarcat de Moscou est une créature de Staline, tout comme toutes les Républiques et les États post-révolutionnaires apparus au siècle dernier sont des créatures de Lénine. Où que vous regardiez, tout sort du même tonneau, mais une telle impudence et une telle franchise, comme ce dont nous allons parler, c’est à en tomber à la renverse ...
C’est un spectacle hallucinant. La scène se déroule dans la région de Pskov. Le ciel est bleu, le soleil brille. Un prêtre du Patriarcat, pourtant d’apparence pieuse, d'un geste large, de toute son âme, asperge - bénit ! - non, pas des fruits comme pour la Transfiguration du Seigneur, mais un monument massif de près de huit mètres de haut – une statue dédiée au généralissime Joseph Staline, accompagnant son aspersion d'exclamations joyeuses - mais en l'occurrence blasphématoires - de "Christ est ressuscité" ! Tout à fait selon la prophétie de saint Séraphin de Sarov - Pâques au milieu de l'été.
Puis, comme il convient à tout bon pasteur, il accompagnece rite sacréd’uneinstruction appropriée, car il est nécessaire d'enseigner le peuple ignorant qui vous est confié. Et nous le voyons, un peu gêné, comme un lapin, pris dans les phares d“une voiture la nuit, regarder un imposant néo-patriote, l'instigateur de cet événement rocambolesque, dont la poitrine est constelléedetoutes sortes de breloques, obtenues on ne sait pour quels exploits. Et notre bon prêtre commence son sermon. Pour éviter tout malentendu ou contestation, nous reproduisons mot à mot :
« Pour être honnête, certes, l'Église a souffert pendant les années du règne de Joseph Vissarionovitch, mais grâce à cela, nous avons maintenant de nombreux Nouveaux Martyrs et Confesseurs de Russie, que nous prions maintenant et qui nous aident également dans notre labeur pour la renaissance de notre Patrie et nous voyons bien quels étaient le but, les actes et la vie de Joseph Vissarionovich, c'est évidemment cette puissance, cette invincibilité, cette force et cette stabilité de l'Union soviétique, et c’est pour le même objectif, même si maintenant notre pays porte un autre nom, mais c’est néanmoins toujours notre Grande Russie, que nous luttons tous, y compris notre Église orthodoxe russe.»
Oui, oui, vous avez bien lu et entendu – ce monstre assoiffé de sang est remercié et loué pour le fait que, grâce à lui, le peuple russe a obtenu une nuée de Saints Nouveaux Martyrs et Confesseurs qu'il peut désormais prier pour la renaissance de la Russie, tout en gardant en mémoire et en son cœur l'exploit de vie de Staline, qui s'est tout donné pour le bien et le bonheur de la patrie et du peuple.
Une telle folie nous a immédiatement rappelé le même esprit de réflexion chezl’archiprêtre Serge Boulgakovainsi quedans"l'illustre" école orthodoxe de Paris, qui avaient atteint des sommets de divagation si abscons que Judas en arrivait à être présenté comme un co-Rédempteur aux côtés de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dénonçant ces absurdités blasphématoires, notre évêque d’éternelle mémoire Grégoire avaitrédigé en son temps un article brillant intitulé «Judas – Traître ou Élu de Dieu», et son regretté Père, le comte Pavel Mikhaïlovitch Grabbe, avait également écrit sur ce sujet.
D'un côté nous avonsun excès d’intelligence, et de l'autre une ignorance grossière. Mais dans les deux cas, nous pouvons retrouver la même source pourrie. N'est-ce pas la même chose de remercier Staline de nous avoir donné les Nouveaux Martyrs et de conclure que, sans la trahison de Judas, il n'y aurait pas eu de rédemption pour la race humaine ?!
Mais revenons à la récentemanifestation patriarcale. On voit qu'une certaine publicité faite autour de cet événement a semé la confusion dans les plus hautes instances du Patriarcat, et il a bien fallu calmer les critiques et la perplexité des fidèles : on a fait savoir que ce prêtre a agi sans la bénédiction de sa hiérarchie. Crois qui veut ! Va vérifier ! Mais le plus intéressant est que, selon toute vraisemblance, il en était bien ainsi : ce malheureux prêtre avait agi sans obtenir au préalable la bénédiction des autorités ecclésiastiques, mais non pas parce qu'il voulait contourner ses supérieurs, conscient que par son acte il violait la loi et l'éthique de son Église, mais au contraire parce qu'il n'y avait même pas pensé, n'y voyant rien de mauvais et d'anormal. Demande-t-on la bénédiction d'un évêque lorsque, par exemple, l’on se rend au domiciled’un malade porter la communion ? Non, cela relèvedu devoir pastoral le plus élémentaire. Il avait donc agi ici sans aucune ruse et se demande probablement encore, pourquoi toutes ces critiques lui sont tombées dessus, car il connaît beaucoup de confrères prêtres et évêques qui, sans le moindre scrupule auraient agi comme lui. Eh oui, le bon père a simplement rendu hommage au père fondateur de son Église ...
Et ce cas est une preuve de plus, intéressante et instructive, pour nos anciens frères de l’Église Hors-Frontières, qui, eux aussi, sans le moindre cas de conscience, ont adhéré au Patriarcat soviétique.
Protodiacre Germain Ivanoff-Trinadtzaty
Cette scène peut être visionnée sur youtube à l’adresse suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=Z1xw6fBrOiM