Saints Nouveaux-Martyrs Russes

 

Les Saintes Écritures de l’Ancien Testament nous relatent l’épreuve terrible à laquelle le peuple d’Israël fut soumis durant la captivité de Babylone. Le roi de Babylone Nabuchodonosor fit élever une immense statue d’or et porta à la connaissance du peuple que tous ceux qui adoreront cette idole et la glorifieront comme Dieu seront graciés, tandis que ceux qui le refuseront seront précipités dans une fournaise ardente.

Et voilà qu’au son de la trompette tous se prosternèrent devant cette statue et, seuls, trois jeunes gens d’Israël refusèrent d’obéir et dirent au roi : nous croyons au Dieu Unique et Véritable et nous ne servirons pas tes dieux et nous n’adorerons pas la statue que tu as élevée. Ils furent alors précipités dans cette terrible fournaise ardente, mais ils ne craignaient rien car ils croyaient au Dieu Unique et Véridique. Et du fond de cette fournaise ils Lui élevèrent des prières : “ Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos pères, que Ton Nom soit loué et glorifié dans les siècles ”. Tu es juste dans tout ce que tu nous fais, à nous qui avons été précipités dans la fournaise et à tout ton peuple d’Israël, l’esclavage de Babylone et la perte de notre patrie. Oui, disaient les jeunes gens, nous avons mérité tout cela ; Tu es juste Seigneur et toutes Tes œuvres sont vérité et tes jugements sont justice.

Et le Seigneur entendit leur prière et leur envoya un ange qui refroidit la fournaise et préserva les jeunes gens dans le feu.

Frères et sœurs bien-aimés ! Nous aurions tort de penser que cette statue aurait été seulement élevée quelque part dans la vallée de Dura, il y a très longtemps, au temps du roi Nabuchodonosor. Cette statue est toujours dressée et ne demande plus à être vénérée par les seuls habitants de Babylone, mais elle exige une soumission universelle. Et malheur à celui qui refusera de se prosterner devant cette idole contemporaine qui exige pour elle-même une vénération plus grande que celle due à Dieu. Tous ceux que nous nommons disciples de Satan se prosternent devant cette idole contemporaine, tous ceux qui se sont détournés de leur Créateur et qui se sont mis au service de Satan, comme étant plus avantageux, car le Christ a promis à Ses disciples: “Vous aurez des tribulations dans le monde” /Jn, XVI, 33/, alors que Satan leur promet tous les biens de ce monde et la gloire terrestre.

Tous les incroyants qui, non seulement ne croient pas eux-mêmes, mais séduisent les autres et font naître chez eux les tentations et l’incroyance, sont au service de cette statue d’or contemporaine. De même la servent tous les hérétiques de toutes les époques et de toutes les nations qui détournent les gens de la foi véridique et de l’unique vrai Dieu.

De nos jours, la servent aussi tous les athées militants qui ont également élevé dans notre patrie une statue en or et exigent que tous les peuples vivant sur la terre de Russie se prosternent devant elle.

Mais ils se sont trompés. Ils pensaient que comme jadis à Babylone il ne se trouverait que trois personnes pour s’opposer à eux et refuser de se prosterner devant l’idole, alors que ce ne sont pas trois, mais des millions de Russes qui, dans notre patrie éprouvée, ont confessé avec intrépidité : non, nous ne servons pas tes dieux et nous ne nous prosternons pas devant l’idole !

C’est pourquoi la cohorte de tous nos saints Martyrs et Confesseurs de Russie ont, par des persécutions et des violences effroyables, payé le prix de leur refus de se prosterner devant l’idole. Ils furent précipités dans la fournaise ardente du feu de la haine, de la méchanceté que ce même Satan, ennemi de notre salut, allumait dans leurs cœurs. C’était un feu effrayant, frères et sœurs bien-aimés, un feu de tourment dans lequel souffraient nos Martyrs, mais qui pour autant ne fléchirent pas et, semblables à ces jeunes gens d’Israël, ils priaient au milieu de ces flammes effroyables, ils priaient dans les prisons, dans les camps, roués de coups, torturés, ils priaient : Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos pères, ton nom est loué et glorifié dans tous les siècles. Toutes tes œuvres sont vraies et tu as agi justement avec nous !

C’est ainsi que priaient nos Martyrs, ayant conscience de leurs propres péchés et de ceux de tout le peuple russe qui, à travers toute son histoire, s’est également éloigné de son Dieu, en a cherché d’autres, désirant satisfaire ainsi ses passions terrestres.

Oui, frères et sœurs bien-aimés, les Martyrs mouraient pour les péchés de tout notre peuple, pour nos péchés à nous. Jamais ils n’hésitèrent et ils subirent volontairement une mort horrible : lorsque sonna l’heure de la mort, ils n’étaient déjà plus pareils aux autres hommes. Battus, torturés, martyrisés ils remettaient leur esprit au Père Céleste.

Frères et sœurs bien-aimés, nous nous sommes réunis ici aujourd’hui pour glorifier les saints Nouveaux-Martyrs, bien qu’ils soient déjà glorifiés dans le Royaume de notre Père Céleste où ils se réjouissent et sont dans l’allégresse. Mais, ont-ils, eux, besoin de notre glorification ?

En réalité, nous sommes réunis ici pour les prier. Pour les prier de nous apprendre à les imiter afin que, face à toutes les séductions et tentations de ce monde, nous sachions dire comme eux : nous croyons en l’Unique Vrai Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ.

Prions, pour qu’à chaque fois où dans notre vie, devant chacun de nous se pose la question de vénérer l’idole, nous puissions répondre de la même façon qu’eux. Sachez que c’est à tout moment nous nous laissons séduire par cette idole, lorsque nous voulons vivre confortablement dans ce monde, lorsque nous cherchons à éviter tous les désagréments. Est-ce que ce n’est pas devant cette idole que nous nous prosternons lorsque nous n’observons pas le carême que l’Église nous impose, lorsque nous condamnons notre frère ? A chaque pas, frères et sœurs bien-aimés, nous nous prosternons devant cette idole, nous devons le comprendre et en prendre pleinement conscience. Que les saints Martyrs, qui ont su dire non et ont volontairement enduré les souffrances et les tourments, soient pour nous des exemples. Car à travers ces souffrances et ces tourments ils ont hérité la félicité de la vie éternelle. Et si nous voulons avoir cette vie en partage, si nous savons que notre existence terrestre est provisoire, nous devons alors refuser de nous prosterner devant l’idole à chaque fois que les tentations s’approchent de nous, qu’elles essaient de nous persuader que nous vivons au milieu d’hommes et de femmes qui agissent tous selon leur plaisir, et qu’elles susurrent à notre oreille : pourquoi donc n’en feriez vous pas autant ?

N’oublions jamais que nous sommes des chrétiens orthodoxes, nous sommes les frères et les sœurs de ces Martyrs qui, à notre époque, n’ont pas hésité à donner leur vie pour l’amour du Christ. C’est à suivre leur exemple qu’ils nous appellent aujourd’hui. En les priant, demandons-leur d’être comme eux les enfants du Christ Sauveur Qui nous aime et des fils fidèles de notre patrie très éprouvée. Amen.

 

+ Archevêque ANTONY (1986)

de Genève et d'Europe Occidentale (+1993)