"Ne pèche plus,

de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire"

 

 

Frères et sœurs en Christ,

« Ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire » (Jean 5:14)! Le Christ nous met en garde du comportement que nous avons envers nos péchés. Ce n’est pas un hasard si l’Église nous propose ce passage après Pâques. Car la Résurrection du Christ n’est pas seulement un événement passé, mais une réalité qui agit dans nos blessures, dans nos paralysies spirituelles, ici et maintenant.

L’Évangile nous parle de la période après Pâques. St Irénée de Lyon nous confirme que si la grande fête n’est pas explicitement mentionnée dans le texte il s’agit bien de la fête de Pâques. Le lieu : la piscine Bethesda (lieu de la grâce). Elle était appelée de telle manière car :

"un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l'eau; et celui qui y descendait le premier après que l'eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie» (Jean 5:4). Un homme paralysé depuis 38 ans gisait près de la piscine. Ce pauvre homme représente l’humanité dans l’attente, incapable de se sauver elle-même.

Les cinq portiques de la piscine, disent les Saints Pères, symbolisent la Loi mosaïque : bien présente, mais impuissante à guérir. Le prophète ne suffit pas, la Loi seule ne suffit pas. Il faut le Verbe incarné pour que l’homme se relève. Saint Jean Damascène dit : « Le Christ est venu non seulement pour enseigner, mais pour guérir la nature humaine déchue, en assumant notre faiblesse. »

Jésus demande à cet homme : « Veux-tu être guéri ? » (Jean 5:6). Il ne lui impose pas la guérison. Car Dieu respecte notre liberté, même dans notre douleur, et en même temps il nous révèle l’état de son âme après 38 ans de maladie. C’est la moitié d’une vie. Malgré toutes ses souffrances il subit tout avec patience et sans rancune.

Sa guérison n’est pas progressive comme la guérison des médecins. Elle est instantanée, parfaite et elle s’applique non seulement au corps, mais aussi à l’âme du paralytique. Le malade n’a pas de foi explicite. Et pourtant, le Christ le guérit par pure compassion, par amour, pour éveiller en lui un changement.

Quand Jésus retrouve plus tard l’homme dans le Temple, il ne lui parle pas de sa guérison, mais de sa responsabilité spirituelle : « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » (Jean 5:14) Ce verset est une parole de vérité et d’amour. Car le péché est pire que la souffrance corporelle. Il détruit la communion avec Dieu, la paix intérieure, et nous fait revenir à la mort.

Saint Jean Chrysostome commente : « Le Christ ne condamne pas, mais il avertit. Il montre que la guérison physique est le commencement d’une guérison plus haute. ». Et Saint Basile le Grand ajoute car : « Celui qui retourne au péché après avoir été purifié est comme un chien retournant à son vomi. »

Dans la tradition orthodoxe, la guérison offerte par le Christ appelle à une transfiguration de la vie. Le paralytique est désormais libre : libre de se lever, de marcher, de vivre selon l’Esprit Saint. Mais cette liberté demande un effort spirituel constant, une vigilance intérieure, une ascèse joyeuse. Car la grâce n’annule pas la synergie entre Dieu et l’homme. Saint Maxime le Confesseur écrit : « La guérison commence par la grâce, mais elle s’achève dans le combat libre et volontaire du cœur. »

Cette scène de Bethesda n’est pas seulement un événement passé. Elle est le miroir de notre vie aujourd’hui. Nous aussi, souvent, nous sommes allongés, immobiles dans notre foi, dans la lassitude, dans le bruit du monde. Notre piscine de Bethesda aujourd’hui, c’est peut-être la prière qu’on repousse, faute de temps ou par indifférence ; la confession que l’on retarde, par honte ou orgueil ; le pardon que l’on ne donne pas, même si l’âme en souffre. Et comme l’homme de l’Évangile, nous disons parfois : « Je n’ai personne pour me plonger dans la piscine. » (Jean 5:7), autrement dit : je suis seul, abandonné, personne ne me comprend, personne ne m’aide... Mais le Christ vient à nous, personnellement, dans ce monde bruyant, fragmenté, digitalisé — Il vient  alors, doucement, sans bruit, et Il pose la même question : « Veux-tu être guéri ? »

Frères et sœurs, nous ne sommes pas seuls comme le paralytique. Chaque dimanche, chaque liturgie est une descente de l’Ange véritable dans les eaux de notre cœur. Le Christ est présent, et Il nous propose sa guérison. Le Christ nous a laissé l’Église, non comme une institution humaine, mais comme la piscine spirituelle où les eaux du baptême, de la confession, de l’Eucharistie, guérissent l’homme tout entier.

Mais aujourd’hui encore, Il nous avertit : « Ne pèche plus… » non par menace, mais pour nous inviter à demeurer dans la lumière. Car le pire, ce n’est pas la souffrance terrestre, mais de se couper volontairement de Dieu.

Que ce temps pascal soit un temps de relèvement, de réveil spirituel, de fidélité joyeuse. Et que la Mère de Dieu, Médecin compatissante de nos blessures, nous accompagne toujours vers son Fils, notre Vie et notre Résurrection. Amen.

Le Christ est ressuscité !

+ Père Zhivko