Le pharisien et le publicain
Dès les premiers chapitres de la Sainte Écriture, nous voyons comment la prière et l’offrande à Dieu peuvent être agréées ou rejetées. L’exemple de Caïn et Abel illustre cette vérité essentielle : Abel offrit un sacrifice agréable à Dieu, avec un cœur humble et une foi sincère, tandis que Caïn, bien qu’offrant lui aussi un sacrifice, le fit avec un esprit corrompu par l’orgueil et l’amertume. Le Seigneur regarda avec faveur l’offrande d’Abel, mais Il rejeta celle de Caïn, non pas à cause de la nature de l’offrande, mais à cause de la disposition du cœur en la faisant.
Aujourd’hui, l’Église nous présente une parabole qui illustre cette même leçon spirituelle : celle du pharisien et du publicain (Luc 18, 9-14). Ces deux hommes montent au Temple pour prier, tout comme Caïn et Abel sont allés devant Dieu pour offrir leurs dons. Mais seul l’un des deux sera justifié, car seule la prière humble est agréable à Dieu.
À travers cette parabole, notre Seigneur Jésus-Christ nous enseigne non seulement sur l’humilité et l’orgueil, mais aussi sur la vraie prière qui plaît à Dieu. Tout comme Abel s’est approché de Dieu avec un esprit brisé et un cœur pur, le publicain s’humilie devant le Seigneur et reçoit Sa miséricorde. Inversement, le Pharisien, à l’image de Caïn, présente son offrande avec suffisance, comptant sur ses propres mérites plutôt que sur la grâce divine.
Dans la parabole, nous voyons donc deux hommes monter au Temple pour prier. Le Pharisien se tient debout et prie ainsi : «Ô Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes…» Ensuite, il énumère ses bonnes œuvres et met en avant ses mérites. Quant au publicain, il se tient à distance, n’osant même pas lever les yeux vers le ciel, mais frappant sa poitrine il disait : «Ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur».
L’enseignement du Christ est clair : «Je vous le dis, ce dernier descendit chez lui justifié, plutôt que l’autre». La justification vient de l’humilité et de la repentance sincère, non des œuvres accomplies avec orgueuil : «Mais quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite» (Mat 6, 3) nous enseigne le Christ. Encore moins nous devons nous vanter devant le Seigneur.
Les Saints Pères nous enseignent que la prière véritable doit être empreinte d’humilité, de contrition et de confiance en la miséricorde divine. Voici leurs conseils sur notre manière de prier :
Saint Jean Climaque écrit : «La prière est une conversation avec Dieu, mais si elle est entachée d’orgueil, elle devient un monologue avec soi-même».
Saint Isaac le Syrien nous exhorte ainsi : «Lorsque tu pries, ne recherche pas de paroles savantes, mais prie comme un enfant qui se tient devant son Père».
Saint Jean Chrysostome enseigne que «la prière la plus puissante n’est pas celle qui est ornée de belles paroles, mais celle qui vient d’un cœur brisé et contrit».
Saint Théophane le Reclus nous met aussi en garde contre la distraction dans la prière : «Il ne suffit pas de réciter des prières, il faut que notre cœur y participe pleinement. Une prière distraite est comme une lettre envoyée sans adresse».
La prière du publicain est un modèle parfait : brève, sincère et remplie de repentir. La tradition orthodoxe nous offre aussi la prière de Jésus : «Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur». Cette prière, répétée avec humilité et attention, purifie le cœur et nous unit à Dieu.
Nous devons non seulement éviter la prière du pharisien, qui est tournée vers soi-même et non vers Dieu, mais de ne même pas y penser. La véritable prière est celle qui nous fait prendre conscience de notre pauvreté spirituelle et nous ouvre à la grâce divine.
L’ascèse de la prière est essentielle dans la tradition orthodoxe. Les Pères du désert nous enseignent qu’il faut persévérer dans la prière même lorsque nous ne ressentons rien. Saint Silouane l’Athonite disait : «Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas». Cela signifie que même dans nos luttes intérieures, nous devons nous accrocher à la prière avec foi et confiance en Dieu.
Le pharisien, en se plaçant dans la posture de celui qui se croit irréprochable, jugeait et méprisait le publicain, qui était en proie à ses propres péchés. Les Saints Pères nous avertissent contre cette tentation de juger autrui. Ils soulignent que le jugement extérieur d’un homme, qui se repose sur ses propres mérites, est incompatible avec la miséricorde divine. Comme l’a enseigné saint Jean Chrysostome, celui qui se juge lui-même moins fautif que son prochain ne peut espérer en la miséricorde de Dieu, car il refuse de reconnaître sa propre faiblesse. Le pharisien, en jugeant le publicain, se ferme à la grâce de Dieu et se détourne de la véritable repentance. Il nous rappelle que c’est Dieu seul le juge des cœurs et que notre tâche est de cultiver l’humilité, et non de critiquer ceux qui, malgré leurs fautes, cherchent sincèrement la rédemption.
Chers frères et sœurs, que cette parabole nous enseigne à prier avec humilité et sincérité. Rejetons l’orgueil spirituel et approchons-nous de Dieu avec un cœur brisé et contrit. Refusons de porter des jugements hâtifs sur nos frères et sœurs, car nous sommes tous pécheurs en quête de miséricorde divine. Demandons au Seigneur de nous accorder la grâce d’une prière authentique, semblable à celle du publicain, afin que nous puissions entendre ces paroles consolatrices : « Celui qui s’abaisse sera élevé ».
Que Dieu nous bénisse et nous enseigne à prier comme Il le désire. Amen.
Prêtre Zhivko Zhelev