Et la Russie cessa d’exister ...
Du fait de l’abdication forcée du saint Tsar-Martyr le 2/15 mars 1917, la Russie a cessé d’exister. Ce jour est la vraie date de la révolution russe.
Depuis plus d’un siècle, l'honneur et la réputation de la Russie sont bafoués. Jamais, comme aujourd'hui en Occident, il n'a été possible d'observer un tel déchaînement de russophobie. Pas même pendant les ignobles et sanglantes années soviétiques. Ils n'osaient pas. Après tout, les Soviétiques représentaient pour eux le progrès qui avait libéré "la prison des peuples de l'oppression tsariste". Et surtout, ils n'osaient pas, parce qu'ils n'avaient pas été les derniers à mettre la main à l'effondrement de la Russie. On a peine à imaginer : oeuvrer à l'effondrement de leur plus fidèle Alliée, devant laquelle ils se prosternaient quelques années auparavant ; oeuvrer à la trahison du plus noble des Souverains, resté jusqu'au dernier jour de sa vie d'une loyauté sans faille à l'égard de méprisables Alliés.
Infamie et noblesse – c'est ainsi que l'on peut définir cette époque lointaine. La noblesse – d'un seul côté, et on peut même dire du côté d'Un seul Homme, et une infamie polycéphale, de l’autre. On serait tenté de dire que leur nom est légion. Oui, ce n'était même pas par stupidité, mais bien par bassesse, et chacun sait qu'il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et selon le proverbe – le sot n'est pas celui qui ne sait pas, mais celui qui ne veut pas savoir, parce qu'il poursuit d'autres objectifs. Essayons donc de rappeler, d'expliquer et d'offrir une vision différente de ces événements-clés vieux de cent sept ans, tragiques non seulement pour l'histoire de la Russie, mais, osons le dire, pour celle de l'humanité tout entière.
Pourquoi se souvenir aujourd'hui de ces tristes événements et de ces temps anciens ? Que pourrait-on ajouter de plus ? Et faudrait-il le faire ? Après tout, l'histoire officielle, universellement admise, a donné sa version définitive des événements qui ont conduit à l'abdication de l'Empereur. Et cette version de l'histoire satisfait beaucoup de gens, et personne ne veut changer un cours si lisse de l'histoire, où tout est rangé dans des tiroirs bien définis, en commençant par "la médiocrité d'un tsar sans volonté et universellement détesté", "une tsarine hystérique, secrète espionne allemande" et "un pays arriéré, pauvre, à moitié sauvage – pays des maîtres et des serfs".
Oui, beaucoup de choses ont déjà été écrites sur ce sujet, y compris par nous, mais jusqu’à présent nous avons essentiellement parlé de la trahison inexcusable du haut-commandement général et des activités indignes des canailles de la Douma. Essayons dans cet article de clarifier le rôle des Alliés dans l'effondrement de la Russie, de leur trahison du Souverain, plus tard des Armées Blanches, bref de leur rôle dans la catastrophe russe. Disons tout de suite que cela n'a pas été fait par amour pour les bolcheviks, mais pour servir leurs propres intérêts, dans l'espoir de tirer le plus de profit possible de ce morceau de choix qu'était l'immensément riche Russie et, surtout, d’arrêter, avant qu'il ne soit trop tard, l'irrésistible croissance économique et politique de l'Empire russe.
Sans nous engager dans des théories conspirationnistes, notons cependant le fait qu'il est impossible de ne pas rappeler les rêves de longue date des forces obscures, à l'ère des démocraties et des républiques, concernant la destruction de systèmes politiques prétendument dépassés que leur semblaient être les monarchies autocratiques, par ailleurs prospères. La Première Guerre mondiale a été conçue par les cercles dirigeants britanniques à la toute fin des années 1880 comme une guerre européenne qui devait culminer par un double coup porté à l'Allemagne et à la Russie. Pour les Britanniques, ce plan s’était compliqué du fait qu'à la suite de circonstances et de combinaisons politiques, ils durent rejoindre l'Alliance franco-russe et devenir ainsi des alliés de la Russie. Comme les événements ultérieurs l'ont montré sans équivoque, cette Alliance était loin d'être durable et sincère. Ainsi, d’après ce plan, la Russie et l’Allemagne devaient se détruire mutuellement, et c'est bien ainsi que la Première Guerre mondiale devint un cimetière pour les Empires. En effet,les Empires allemand, austro-hongrois et russe périrent. L'Empire ottoman fit de même. En revanche, l'Empire britannique, qui n’est certes pas une monarchie autocratique, mais une monarchie constitutionnelle, on pourrait dire démocratique, presque républicaine, cet Empire, lui, a réussi à survivre.
Ce n'est pas pour rien que la Grande-Bretagne a mérité le titre de "perfide Albion", et plus d’une fois dans l'histoire elle a fait preuve de perfidie à l'égard de la Russie et du peuple russe. Pendant tout le XIXe siècle, la principale question diplomatique qui préoccupait les grandes puissances était la Question d’Orient, à laquelle tant de place et de réflexions étaient consacrées, notamment, dans le Journal d'un écrivain de F.M. Dostoïevski. La question des Lieux saints, la question de Constantinople, le Bosphore – c'est là que s'affrontaient les intérêts et les prétentions de l'Angleterre et de la Russie. Cependant, ne serait-ce que pour des raisons tactiques, la Grande-Bretagne fut amenée à céder en raison de la contribution inestimable qu’apportait la Russie à la cause Alliée. C’est ainsi qu’en pleine guerre, en mars 1915, un accord secret anglo-franco-russe a été signé, selon lequel Constantinople, les détroits de la mer Noire et les Dardanelles feraient partie de l'Empire russe en cas de victoire.
Si l'année 1914 a été plus ou moins équilibrée en termes d'opérations militaires, la première moitié de l'année 1915 s'est révélée être un véritable désastre militaire pour la Russie. L'Armée russe reculait sur tous les fronts, abandonnant à l'ennemi la Galicie, la Lituanie, la Pologne. Dans une situation aussi tragique, l'Empereur, dans un désintéressement total, mû uniquement par le sens du devoir et l'amour de la Russie, prit une décision désespérée et risquée en s'arrogeant, au début du mois de septembre 1915, contre l'avis déclaré d'un grand nombre de personnalités, y compris des militaires et des ministres, le titre de Commandant en chef suprême de l'Armée russe et là, à la surprise générale, un véritable miracle se produisit : les troupes russes, sous la direction de leur Tsar bien-aimé, passèrent à l'offensive.
Mais, curieusement, ce fait réjouissant provoqua une rupture psychologique dans le comportement des Alliés, en particulier des Britanniques. Ce fait psychologique, et les conséquences qu’il a entraînées, n’est jamais pris en considération par les historiens officiels, car il ne cadre pas avec la vision de l'histoire qu’ils ont construite. Mais nous osons penser qu'il s'agit d'un nœud décisif pour la compréhension des événements ultérieurs.
Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la campagne victorieuse du printemps 1916 fut diversement appréciée. Les Alliés se rendirent compte que l'Armée russe était capable de vaincre l'ennemi toute seule, sans l'aide de personne, et que dans ce cas, la Russie allait devenir après la guerre une véritable superpuissance sans concurrent, ce qui bien sûr ne pouvait qu’inquiéter sérieusement nos alliés de l'Entente. Il n'était bon pour personne d'avoir un concurrent aussi inaccessible, doté de ressources naturelles aussi riches et bénéficiant d'une extension considérable de son territoire et de sa puissance : en effet, l'accord secret de 1915, dont nous avons parlé plus haut, concernant Constantinople, les détroits, les Dardanelles, le protectorat sur la Palestine et les Lieux Saints en cas de victoire, qui avait été signé alors qu'il ne s'agissait encore que d'une promesse très vague, apparaissait soudain dans toute sa clarté à l'esprit des Alliés.
Ce que les Alliés ont vu et réalisé sur le plan économique, nos révolutionnaires de diverses mouvances l'ont immédiatement transposé à la situation intérieure de la Russie avec un Tsar conforté sur son trône par l'imminence d'une brillante victoire. En octobre 1916, les conspirateurs décidèrent donc de passer à l'offensive, sachant que le pays ne pourrait être détruit que grâce à une trahison intérieure, toutefois comme nous le verrons, ils n’avaient nulle intention de se priver d’une aide extérieure. Le discours d’une rare insolence de Pavel Milioukov "Stupidité ou trahison", lancé à l’adresse de la Famille Impériale depuis les hauteurs de la Douma d'État le 1er novembre 1916, peut être considéré comme la première pierre de cette déstabilisation du pouvoir monarchique. Une campagne de diffamation d'une ampleur sans précédent contre le Tsar et la Tsarine a alors éclaté, au moment même où le Tsar menait ses troupes à la victoire et était complètement absorbé par cette cause, et où la Tsarine, transformée en sœur de charité, soignait avec ses filles les blessés dans les infirmeries de campagne. Le même Milioukov, dans une lettre privée, qu'il a ensuite tenté en vain de désavouer alors qu’il était dans l'Emigration, a témoigné en ce sens : «Nous savions qu'au printemps (1917), l'Armée russe allait gagner. Dans cette éventualité, le prestige et le charme du Tsar auprès du peuple redeviendraient si forts et si tenaces que tous nos efforts pour saper et abattre le trône de l'autocrate seraient vains. C'est pourquoi nous avons dû recourir à une explosion révolutionnaire accélérée". Goutchkov, le moteur principal de Février, se fait l'écho de Milioukov : «A l'automne 1916, l'idée d'une révolution de palais est née, à la suite de quoi le Souverain serait contraint de signer son abdication».
Mais laissons là nos traîtres de l’intérieur et revenons à nos chers Alliés qui, comme nous l'avons dit, ont senti le danger imminent pour leurs intérêts en cas de victoire russe et, d'alliés du Tsar qu’ils étaient, sont devenus alliés de la révolution et ont commencé à établir des contacts avec les pires ennemis du Souverain. Si, comme il a été dit, le plus grand moteur de la révolution de Février parmi les Russes est sans conteste Goutchkov, dans le camp allié, cette place peu enviable est occupée par l'ambassadeur britannique à Petrograd, Sir George Buchanan.
L'ambassadeur britannique Buchanan et le consul général britannique à Moscou, l'officier de renseignement Sir Bruce Lockhart, avaient des entretiens répétés avec les futurs dirigeants de la révolution de février. En janvier, Buchanan discutait ouvertement dans son ambassade de Saint-Pétersbourg avec les principaux conspirateurs de la Douma, comme il le reconnut lui-même, de la possibilité d'un coup d'État, et une fois même, au cours de ces conversations, l'idée d'assassiner l'Empereur Nicolas II et l'Impératrice Alexandra Feodorovna fut suggérée.Telle était la loyauté de ces alliés ...
Écoutons les Mémoires et le témoignage du prince Vladimir Obolensky : «Goutchkov a soudain commencé à me donner tous les détails de la conspiration et à nommer ses principaux participants. Je me suis rendu compte que je m’étais retrouvé dans le nid même de la conspiration. L'Angleterre était avec les conspirateurs. L'ambassadeur anglais Buchanan participait à ce mouvement, de nombreuses réunions se tenaient chez lui». Pour sa part, un officier de renseignement français, dans son rapport à Paris du 8 avril 1917 depuis le lieu des événements, rapportait : «L'ambassadeur britannique Sir George Buchanan, qui dirigeait tout avec Goutchkov, était un organisateur de premier plan. Le chef informel, mais réel de la conspiration était Goutchkov. L'organisateur technique était le général Alekseev, qui était étroitement lié à ces cercles». Naturellement, l'Amérique n'était en rien redevable aux autres pays occidentaux. Rappelons au passage que les Etats-Unis ne sont entrés en guerre, curieusement, qu'après l'abdication du Souverain, mais il s'agit là d'un autre sujet, qu'il conviendra d'aborder séparément. L'entourage du président Wilson a joué un rôle important dans l'affaiblissement de la Russie. Le plus proche collaborateur du Président, House, écrivait d’ailleurs avec anxiété : «Une victoire de l'Entente signifierait la domination de l'Europe par la Russie». Rappelons au passage que toutes ces remarques étrangères émanaient, pendant la guerre, de personnes qui, en principe, luttaient avec la Russie contre l'Allemagne. Le noble ambassadeur de France, Maurice Paléologue, était une exception à la règle générale, mais ses supérieurs n'étaient pas moins préoccupés que les représentants de la couronne britannique par le déroulement de la guerre, dont le principal vainqueur allait être la Russie. Les autorités françaises, elles, étaient dans l’expectative ne sachant que faire, car elles n'avaient pas la moindre envie de respecter la parole qu'elles avaient signée, de céder Constantinople, le Bosphore, etc. à la Russie en cas de victoire.
Comparons toutes ces déclarations et ces comportements perfides de personnes qui étaient en principe alliées de la Russie avec le témoignage du général Prince P.Bermondt-Avaloff, commandant en chef de l'Armée russe des volontaires de l'Ouest, qui se souvient que, peu dejours après la révolution, il s'était rendu avec un groupe d'officiers chez Buchanan qui leur dit ouvertement : «Il faut approfondir la révolution pour sauver la Russie». Ce même général Bermondt-Avalov se souvient avec amertume : «Au cours de la dernière guerre, la valeureuse Armée russe a sauvé plus d'une fois la situation de l'Entente, perdant au passage ses meilleurs officiers et soldats. Les Alliés s'apprêtaient à célébrer la victoire que l'Armée russe leur avait préparée. La campagne sur la Prusse orientale a permis de sauver Paris, etc. - Il serait trop long d'énumérer en détail d'autres événements».
Voyons donc comment les Alliés ingrats ont répondu à l'aide fraternelle désintéressée des Russes. Fin janvier 1917, une commission de représentants de l'Angleterre, de la France et de l'Italie était arrivée dans la capitale russe pour une conférence des Alliés, dite Conférence de Petrograd, afin de discuter, en particulier, de la campagne militaire à venir. Ils étaient venus chez leur grand Allié et se comportèrent avec insolence, comme s'ils étaient chez eux. Buchanan fut reçu en audience par le Tsar et se comporta de manière extrêmement impertinente, au point d'exprimer des doutes quant à l'utilité de discuter avec des gens qui ne seraient bientôt plus au pouvoir. Le 5/18 février, le ministre britannique de la Guerre, Lord A. Milner, remit au Tsar une note dans laquelle il lui était proposé de nommer aux plus hauts postes des organes du pouvoir de l'État russe des représentants de l'opposition, ce à quoi Nicolas II répondit par un refus catégorique. Après la révolution, le but de la mission de Lord Milner en Russie fut révélé lors d’une séance de débats à la Chambre des communes britannique : «Il /Milner/ a été envoyé à Petrograd pour préparer la révolution qui allait détruire l'autocratie chez ce pays allié».
À l'issue de la conférence le 8/21 février, une délégation se rendit auprès de l'Empereur et lui remit un memorandum contenant trois demandes particulièrement grossières :
«1 — Faire entrer dans l'État-major du Commandant en chef suprême des représentants des Alliés avec le droit de vote décisif.
2 — Renouveler la structure de commandement de l'Armée en accord avec les Puissances de l'Entente.
3 — Introduire un ministère responsable».
Avec le sang-froid, la noblesse et, disons-le, la majesté qui le caractérisent, l'Empereur les "moucha" avec la brève réponse suivante :
«Concernant le point 1 : "L'introduction de représentations alliées est superflue, car je n'ai pas l'intention d'introduire mes propres représentants dans les Armées alliées avec droit de vote décisif".
Concernant lepoint 2 : "Inutile également. Mes Armées se battent avec plus de succès que celles de mes alliés".
Concernant lepoint 3 : "L'acte d'administration interne est à la discrétion du Monarque et ne nécessite pas les instructions des Alliés"».
Dès que la réponse du Souverain russe fut connue, une réunion d'urgence se tint à l'ambassade britannique, au cours de laquelle il est décidé "d'abandonner la voie légale et d'emprunter la voie de la révolution". C'est alors qu'éclatent immédiatement à Petrograd des troubles de grande ampleur, qu’une agitation révolutionnaire est provoquée du fait que, délibérément, le pain n’est plus livré à la capitale, alors qu'il y en avait toujours eu en quantité suffisante dans le pays, en dépit de la guerre. À l'époque, contrairement à l’Allemagne, la Russie n'avait même pas de cartes de rationnement sur le pain. Les pillages de magasins se sont multipliés, des pogroms étaient organisés dans les boulangeries, des passages à tabac et des meurtres de gardiens de la paix. Les forces de l'ordre s’avérèrent incapables d'arrêter ces bacchanales. Pour maîtriser l'émeute et rétablir l'ordre, l'Empereur prit la décision d’envoyer le très loyal général N.I. Ivanoff muni de pouvoirs extraordinaires à la tête de troupes loyales, mais, comme on le sait et comme nous l'avons déjà écrit, un scandale flagrant se produisit : le général Ivanoff fut arrêté dans sa démarche et rappelé par-dessus la tête de l'Empereur. L'ordre vint du quartier général d'arrêter et de faire revenir les troupes qui étaient parties pour la capitale, ce qui mit définitivement fin à toute possibilité de mettre en échec la révolution.
Ainsi, à la suite d'une monstrueuse trahison interne et externe, se produisit une catastrophe nationale qui coûta la vie à des dizaines de millions de personnes et entraina un effondrement colossal tel que l'histoire du monde n'en avait jamais connu. Les personnes sur lesquelles l'Empereur pensait logiquement pouvoir compter ont trahi leur Souverain : les généraux de l'État-major en collusion avec les membres du gouvernement et même certains membres de la Famille Impériale.
Après avoir détruit l'Empire russe, les dirigeants de la révolution de février semèrent le chaos. Les "févrieristes" sans talent, après s’être regroupés dans le gouvernement provisoire, furent emportés par la vague, qu’ils avaient eux-mêmes levée, à peine plus de six mois après leur prise du pouvoir, comme pour illustrer les mots de Samuel Marshak : «Trois petits malins assis dans un bassin, se sont lancés en mer en pleine tempête», faisant la preuve devant le monde entier de leur absolue médiocrité et de leur impuissance. Ils ont semé le chaos et n'ont pas su y faire face, et, comme l'ont dit les bolcheviks eux-mêmes, il ne restait plus qu'à ramasser le pouvoir qui traînait par terre. Comme nous l'avons écrit à maintes reprises : si Février n’avait pas eu lieu, il n’y aurait pas eu d’Octobre.
Les Britanniques et les Français suivaient de près l'évolution de la situation en Russie et, bien qu'Alliés, ils se préparaient néanmoins à tirer parti de la situation. Leur programme minimum était d'affaiblir la Russie autant que possible, et leur programme maximum était de la démembrer. Et ils réussirent sur les deux plans : ils l’ont affaiblie et l’ont démembrée, ce qui, jusqu'à ce jour, peut se ressentir et perturbe l'humanité à propos des événements tragiques que nous connaissons sur le territoire de l'ancien Empire russe. Mais qui comprend aujourd'hui où plongent les racines des événements actuels ? En tout cas, ne le comprenait pas à l’époque l'indigne lord et Premier ministre britannique Lloyd-George, qui, réagissant à l’annonce de l'abdication du Souverain russe, proféra la phrase scandaleuse et révélatrice suivante : «L'un des objectifs anglais de la guerre a été atteint».
Posons-nous la question : les Alliés voulaient-ils vaincre l'Allemagne ? Bien sûr, mais ils voulaient gagner sans la Russie, et ce après avoir utilisé, jusqu'à la dernière goutte de sang, son exploit sacrificiel. Mais tous les Anglais ne doivent pas être mis au rang de scélérats. Winston Churchill, honneur et gloire à lui, qui avait participé au plus près à la vie politique et militaire de l'époque, témoignait dans ses Mémoires : «En mars, le Tsar était sur letrône. L'Empire russe et l’Armée russe tenaient bon, le front était assuré et la victoire était certaine».
Et aujourd'hui, une fois de plus, nous nous souvenons avec amertume de la journée tragique du 2/15 mars, ainsi que de la vie et de l'exploit chrétien du saint Martyr, le Tsar Nicolas. Il y a cent sept ans, la Russie a cessé d’exister. Ce que nous avons, nous ne le gardons pas, et lorsque nous le perdons, nous pleurons. Le peuple russe n'a pas gardé, n'a pas chéri, n'a pas compris la grande grâce qui, pendant des siècles, a nourri et entretenu la Russie grâce au pouvoir royal donné par Dieu et ne peut aujourd’hui que pleurer et regretter.
Protodiacre Germain Ivanoff-Trinadtzaty