O Dieu, aie pitié de moi pécheur

 

Il existe très certainement beaucoup de raisons expliquant pourquoi cette prière, qui peut à certains moments faire naître en notre âme un sentiment très profond, nous la prononçons le plus souvent de façon inconsciente, rapide, de sorte qu’elle ne fait qu’effleurer le bout de nos lèvres. Nous n’avons pas le temps, nous sommes pressés : le matin – pour aller au travail, le soir – pour aller nous coucher. Les soucis nous mangent tout notre temps, toute notre attention, tous les ressorts de notre âme. Nous ne trouvons pas le temps pour nous retrouver en nous-mêmes, nous n’avons pas le temps de scruter notre âme, nous n’avons pas le temps de nous mettre debout devant le Seigneur et de Lui dire comme à un être vivant, à un proche : « O Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! » et de le dire avec la certitude absolue de ne pas prononcer cette phrase dans le vide.

Mais si nous n’avons jamais le temps, si les prières que nous faisons chez nous sont toujours imparfaites, si ce cri du publicain ne sort pas du fond de notre âme, du moins maintenant, essayons de nous tenir droit et dans la crainte de Dieu demandons-nous pourquoi il en est ainsi, n’y a-t-il pas de moyens de se corriger ?

Pourquoi cette courte prière qui a justifié le publicain en dépit de son indignité et de tous ses péchés, ne nous apporte pas, à nous, cette même justification ? Ne serait-ce du fait que nous ne mettons pas tout notre cœur à le dire ? Nous ne ressentons pas le besoin de nous frapper la poitrine comme le publicain, car c’est là un geste de contrition profonde, porté de tout notre cœur. Nous ne baissons pas notre regard, parce que c’est le signe d’une humilité. Nous ne faisons rien de tout cela. Et c’est regrettable à en pleurer, car Dieu n’aime que les cœurs contrits et humbles et Il ne les méprise pas.

Et pourtant un cœur n’est pas une pierre ! On a beau frapper une pierre, jamais elle ne se ramollira. Alors qu’il est possible d’attendrir un cœur humain. Ce n’est pas en vain que le prêtre qui se prépare à célébrer la Liturgie, prie ainsi : « Viens dans mon cœur, Seigneur, transforme mon cœur de pierre en un cœur de chair qui puisse Te craindre, T’aimer, Te vénérer, Te suivre et être nourri par Toi ! ».

C’est avec l’espoir d’une telle modification du cœur humain, avec l’espoir que le Seigneur qui est toujours prêt à transformer notre cœur mauvais, froid, renfermé, égoïste pour le rendre doux, tendre, aimant que nous avons désiré délivrer ce sermon.

« O Dieu, sois nous propice, à nous pécheurs ! ». Car tant que je me console à l’idée de ne pas être pire que les autres, que je considère que mes péchés sont tout ce qu’il y a d’ordinaire et sont pardonnables, je ne suis pas en mesure d’éprouver le sentiment de pénitence, de remords, et le sentiment d’affliction ne peut pas naître en moi. Il faut se mettre devant Dieu et nous regarder non pas avec nos propres yeux qui sont pernicieux et bien trop complaisants pour nous-mêmes, mais essayer de nous scruter avec les yeux du Christ. Comment le Christ-Sauveur voudrait nous voir dans notre vie quotidienne ? Tout ce dont notre cœur, notre tête sont remplis, toute notre activité – tout cela apporte-t-il de la consolation à notre Père Céleste ? Il faut absolument que le Christ soit présent dans notre vie, qu’Il soit notre compagnon de route ; nous devons tout faire comme si nous étions toujours devant ses yeux. Et ce n’est seulement là que tout ce qui se cache en nous apparaîtra sous sa vraie lumière. Nous cesserons alors de nous consoler à l’idée que nous ne sommes pas pire que les autres, alors seulement pourra naître ce profond élan de notre cœur qui nous permettra de nous exclamer le cœur contrit : « O Dieu, aie pitié de moi pécheur ! ». Amen

Archiprêtre Victor Illienko