Dimanche de Tous les Saints Russes

 

L’Église orthodoxe a le plus grand amour pour tous ces saints qui se sont manifestés par leur foi et leur amour pour Dieu et par leur vie selon l’Évangile. Rares sont les offices dans nos églises où ne soit célébrée la mémoire d'un saint, mais dans les monastères, où les offices sont quotidiens, chaque jour la mémoire d'un ou de plusieurs saints est célébrée. Les chants et les louanges à leur gloire résonnent toute l'année. Les vies complètes de ces saints ne sont pas lues en église, mais dans les tropaires, les kondakia et les stichères, en peu de mots, est tracé le caractère général du saint, ses actes, ses exploits, sa beauté spirituelle. Quant à l'esprit du saint qui réside invisiblement là où il est commémoré avec amour, il suscite en nos âmes des élans de foi et d'amour.

Nous ne sommes pas des étrangers pour les saints, ni eux pour nous. Nous sommes membres d'une même famille chrétienne ! Certes, ils ne vivent pas avec nous, nous ne les voyons pas, mais il suffit qu'un sentiment d'amour nous unisse ! L'amour transcende le temps et l'espace.

Les parents, notamment les mères, savent qu'il n'est nullement nécessaire que l'enfant soit constamment devant leurs yeux pour pouvoir l'aimer. Et même plus : on aime et on plaint encore plus celui qui est absent. Et il en est ainsi de nos sentiments pour les saints. Nous les aimons, bien qu'ils vivaient il y a longtemps et que nous ne les connaissons qu'à travers des récits. L'amour que nous partageons avec eux pour le Christ fait que nous appartenons à une seule et même famille.

Les protestants refusent toute communion d'amour avec les saints. Chez eux, tant qu'une personne est vivante, ils la vénère et l'aime, mais dès lors qu'elle meurt elle disparaît de leur cœur, comme si elle disparaissait pour toujours. Mais Dieu est le Dieu des vivants et non des morts : en Dieu, nous sommes tous vivants. Actuellement, nous avons une communion en esprit avec les saints, comme s'ils étaient avec nous, et nous espérons un jour les rencontrer face à face dans la vie future. Et c'est là que seront justifiés notre amour pour eux, la vénération de leur mémoire, les fêtes et les louanges en leur honneur.

Les saints sont nos frères aînés au sein de la grande famille des chrétiens. Ils ont déjà accompli ce chemin de la vie chrétienne que nous sommes seulement en train d'effectuer. Dans leur vie, ils nous ont montré comment un chrétien doit vivre et se comporter dans toutes les circonstances de la vie. Ils sont nos précepteurs, mais également nos amis qui peuvent nous venir en aide. C'est pourquoi, depuis les temps apostoliques, les chrétiens se sont toujours adressés aux saints demandant leur aide. Voici l'exemple d'une prière très brève faite aux apôtres Pierre et Paul griffonnée sur un morceau de brique retrouvé dans les catacombes : « Pierre et Paul, souvenez-vous de nous !». C'est dit en très peu de mots, mais ces mots sont imprégnés de foi et expriment la certitude que les saints apôtres entendent ceux qui élèvent ces prières et ils leur apporteront leur aide.

Tant que nous vivons sur terre nous avons besoin de l'aide de nos amis et protecteurs célestes. Et lorsque nous achèverons notre pérégrination terrestre et partirons vers le Seigneur pour une vie bienheureuse, y serons-nous seuls ? Est-ce que nous ne les y retrouverons pas ? Bien-sûr que nous espérons être accueillis dans la famille commune de ceux qui dès le commencement des temps ont été agréables à Dieu. Si, par Sa très grande miséricorde, le Seigneur ne nous prive pas des demeures célestes, c'est précisément là que nous rencontrerons les saints que nous avons vénérés et aimés sur terre. Et plus nos sentiments à leur égard sont aujourd'hui vifs, plus joyeuse sera notre rencontre là-bas.

Lorsque des proches se retrouvent après une longue séparation, ces retrouvailles leur apporte une très grande joie ; ils ont des sujets de conversation, ils éprouvent du plaisir même à se regarder sans dire un mot, à revoir ces visages si chers.

Aujourd'hui, alors que nous célébrons nos saints russes que nous aimons tant, qu'allons-nous leur dire ? Qu'allons-nous leur demander ? Hier soir nous avons élevé des louanges en leur honneur, et aujourd'hui nous osons exprimer une prière que depuis un quart de siècle déjà nous portons en nos cœurs telle une blessure béante.

Saints de Dieu ! Si même nous, qui sommes égoïstes et froids, compatissons pour le destin amer de notre peuple, si, n'épargnant pas notre vie, nous nous sommes lancés jadis dans un combat décisif dans l'espoir d'améliorer son sort, n'aurez-vous pas, vous, pitié de lui ? Par vos prières obtenez de Dieu ne serait-ce qu'un peu de liberté, de miséricorde, un peu de joie, d'espoir en des jours meilleurs, un peu de pain et de vêtements, une santé meilleure !

Nous ne pensons pas qu'il faille supplier Dieu comme un juge exigeant, et nous ne pensons pas que nos prières Lui soient nécessaires. Mais lorsque nous prions de tout cœur pour notre peuple, nos âmes s'ouvrent alors à la compassion, nous manifestons plus d'amour chrétien ce qui peut nous rendre dignes de la miséricorde divine. Et alors, cette miséricorde se déversera sur nous et sur tous ceux que nous englobons dans notre amour. Amen.

Archiprêtre Victor Illienko

(1894-1989)