4° Dimanche du Grand-Carême

Marc IX, 17-31

 

« Maître, j'ai amené auprès de toi mon fils, qui est possédé d'un esprit muet /.../ J'ai prié tes disciples de chasser l'esprit, et ils n'ont pas pu ».

Le Seigneur a guéri de très nombreux malades, certains même gravement atteints, possédés d’esprits impurs. Il a guéri les uns par la parole, d’autres en les touchant, certains même en leur absence. Les disciples du Seigneur, par la grâce qui leur a été conférée, ont souvent guéri des malades, purifié des lépreux, chassé des démons. Mais voilà que l’Evangile d’aujourd’hui nous parle d’un exemple particulièrement laborieux et long de guérison d’un malade possédé par l’esprit de mutité. Alors que notre Seigneur Jésus-Christ s’était éloigné dans la montagne pour prier, parmi le peuple venu L’écouter et Le voir il y avait un père qui avait amené son fils malade. Ne voyant pas le Seigneur, il s’adresse à Ses disciples. Ces derniers ont tout essayé, ont imposé leurs mains, mais ne sont pas parvenus à chasser l’esprit mauvais. Le malheureux père s’approche alors du Seigneur qui était descendu de la montagne et voyez combien même ici, entre les mains du Tout-Puissant, la guérison s’effectue lentement. Le Seigneur ordonne d’amener à Lui le malade qui venait de subir une très forte crise : « Aussitôt que l'enfant vit Jésus, l'esprit l'agita avec violence; il tomba par terre, et se roulait en écumant ».

On pourrait s’attendre à ce que le cœur miséricordieux du Seigneur L’amène à la compassion et à opérer une guérison rapide de l’enfant.Toutefois, le Seigneur se met à poser des questions sans fin ; depuis combien de temps est-il dans cet état, est-ce que cela lui arrive souvent, car en fait Il attend une manifestation de foi de la part du père. Et ce n’est que lorsque le père, en larmes, Le supplie que le Seigneur ordonne à l’esprit mauvais de sortir de l’enfant. N’est-ce pas là l’image de la façon dont nous nous défaisons de nos propres péchés, de la lenteur et de la difficulté que nous avons à nous séparer de nos passions et de nos infirmités. Le père, c’est chacun d’entre nous qui apporte son âme malade pour la soigner, mais ne nous arrive-t-il pas les mêmes déconvenues qu’à cet enfant infirme ? Nous recourrons aux remèdes salutaires de l’Église – ils n’apportent aucun secours ; la prière n’agit pas ; le carême n’est plus reconnu de nos jours ; notre confession est froide et la sainte Communion ne transforme pas le pécheur.

L’Evangile de ce jour nous indique que la cause de la résistance vivace de nos propres péchés et de l’état de péché de l’ensemble de la société est dans l’esprit de notre temps. L’enfant est frappé par un esprit impur, mais n’est-ce pas du fait que toute notre société, tout notre peuple est malade ? On demande la guérison de l’enfant et pourquoi ne demande-t-on pas de guérir le peuple et la société de leurs maladies, guérir les foules de l’obscurantisme et de l’ignorance, de l’incrédulité, des moqueries hautaines des pharisiens et du manque de confiance en soi des disciples eux-mêmes.

N’en est-il pas de même avec nous ?

Nous sommes fils de notre temps, nous sommes chair de la chair de notre société. Comment pourrions nous nous couper d’elle ? Avant même que nous ne commencions d’éduquer notre âme, nous sommes envahis par les péchés qui viennent de l’extérieur, du monde, des règles qui le dirigent, des coutumes, des tentations. Voilà pourquoi les enseignements des parents, tout comme les bons exemples, ont peu de succès. Nous protégeons nos enfants, nous semons tout ce qui est bon et honnête et attendons que cela porte de bons fruits et nous nous étonnons – d’où leur viennent des pensées d’un tout autre ordre et un caractère contre lesquels il n’est pas possible de lutter.

La société est responsable de nos péchés en ce sens qu’elle nous apprend à vivre selon l’esprit contemporain et non selon l’enseignement du Seigneur et sous l’influence de l’Église.

L’autre raison de notre dysfonctionnement nous est également indiquée dans l’Évangile : c'est la légèreté, l'insuffisance et la froideur de notre foi. Pourquoi le Seigneur n'a-t-il pas répondu immédiatement à la demande du père sur son fils malade ? Du fait qu'il n'y avait dans cette demande pas de foi profonde dans le Seigneur, ni participation personnelle, ni réelle pitié pour son son fils, ni cette tristesse parentale qui s'exprime dans des larmes, dans du désespoir, dans un regard noyé dans la prière et l'espoir.

Entendez à quel point était froide la demande du père : « Je T'ai amené mon fils, et si tu peux quelque chose, viens à notre aide ».

« Si tu peux quelque chose » … Quel doute, quel manque de foi dans le médecin, et donc – quel succès en attendre ! Et nous voyons le Seigneur commencer à guérir non le fils, mais le père. Il lui demande si l'enfant est malade depuis longtemps, comme si Lui, qui est Omniscient, ne le savait pas. La réponse à cette question n'était pas utile pour Lui, mais pour le père afin d'éveiller en lui un sentiment de pitié pour son fils, pour les souffrances qu'il endure, lui faire comprendre le poids de sa maladie. C'est pourquoi le Seigneur a dit : « O race incrédule, jusques à quand serai-Je avec vous? » Mais, néanmoins, tout est possible à celui qui croit.

D'après Archiprêtre Alexis Metchev