Dimanche de Zachée
Zachée était un publicain, un collecteur d'impôts, et c'était un homme riche à qui la vie avait tout donné. A son époque, il était pour le peuple juif ce que l'on pourrait appeler « un grand personnage ». C'était un homme puissant et riche. Il avait eu un parcours de vie sans fautes, il n’y a qu’une chose à laquelle il n’avait pas pensé : c’était que le temps passait inexorablement. Les années et la vie passent et arrive la vieillesse.
Et il comprit soudain que tout ce qu'il avait amassé ne servait à rien. Il ne pouvait même plus profiter de ses richesses, car il n'avait plus ni force, ni santé. Et lorsqu'il repensait à sa vie passée, sa vie de publicain, il ressentait quelques remords : dans telle occasion il avait fait de la peine à une veuve, dans telle autre il avait rendu malheureux des enfants, ailleurs il s'en était pris à une personne faible … Il soutirait, soutirait de l'argent, il était fort, puissant. Et voilà que le Seigneur l'avait gratifié de son grand âge et toute cette richesse lui était désormais inutile. En qu'en était-il de sa conscience ? Elle le tourmentait et il ne savait comment se défaire de ses remords. Et c'est là qu'il entendit parler d'un Prophète.
Il ne comprenait pas encore que le Christ était le Fils de Dieu, mais il savait que c'était un Maître de vie. Il voulut le connaître comme un ultime remède à ses maux. Et il partit à Sa rencontre. Mais il y avait une telle foule, qu'il comprit qu'il ne pourrait jamais voir le Christ. Or, sur le bord du chemin il y avait un sycomore, un figuier. Et le voilà qui grimpe à ce figuier. Notez bien ce fait : que penserait-on ici, en Occident, si un important serviteur de l'Etat, un député, un gouverneur, un maire animé du désir de rencontrer un nouveau prédicateur, grimpait sur le premier arbre venu, aux yeux de tous, en pleine ville ? Que penserait-on de lui ? On imagine combien cela pourrait nuire à sa réputation ou aux élections à venir …
Et l’impression que cela pouvait produire dans la société juive était exactement la même ! Mais lui n’avait plus peur de rien, il n’avait pas peur de se sentir humilié, car il souffrait moralement et avait besoin d’aide. Et là il vit que le Christ était réellement ce Prophète qui pourrait lui apporter cette aide. Il n’avait que faire de cette foule et de ses moqueries. Et voilà que le Christ était là, devant lui. « Zachée, hâte-toi de descendre; car, aujourd'hui, il faut que Je demeure dans ta maison ». Et le miracle se produisit : le Christ était chez Zachée. Mais certains se demanderont : est-ce réellement un miracle ? Nous connaissons dans les Evangiles des miracles bien plus importants, de vrais miracles, alors que là il ne s’agit que d’une visite … Il n’y a rien là de surnaturel. Mais en réalité, c’est plus que surnaturel. Quelle est la situation ? Toute la puissance de la conscience de Zachée se délie et il semble transmettre cette conscience au Christ qui à son tour sanctifie son cœur. Fort de cette joie que ce poids du péché, de tout le mal qu’il avait fait durant sa vie, ne pesait plus sur son cœur, il s’exclame : Seigneur ! Je donnerai la moitié de mes biens aux pauvres et je paierai au quadruple ceux à qui j’ai fait de la peine.
Il n’y a pas longtemps, nous lisions dans l’Evangile : Repentez-vous car le Royaume de Dieu est proche. La lecture d’aujourd’hui nous montre que cette repentance est en marche. Et nous devons nous amener nous-mêmes à un état où, à l’image de Zachée, notre cœur soit pénétré de cette crainte de Dieu et inondé de larmes. Nous comprenons mieux également ce qu’est « le Royaume des Cieux » : c’est Zachée repenti dont le cœur est devenu si large qu’il en est devenu prêt à embrasser le monde entier, qu’il est prêt à tout donner, prêt à enrichir chacun de ses frères. C’est là l’esprit de la vie éternelle qui doit visiter chacun de nous.
Que le Seigneur nous aide, chers frères et sœurs, à entamer ce travail de pénitence. Nous sommes encore dans la période précédant le carême, mais très bientôt ce temps sera derrière nous et nous entrerons dans le temps de la pénitence. Amen.
+ Archevêque ANDRÉ /Rymarenko/ (+1978)
Mgr André /Rymarenko/, né en 1893 en Russie dans la région de Poltava, était un disciple des saints startsy de Optino, et notamment fils spirituel du saint starets Nectaire d'Optino. En octobre 1921 élevé au diaconat et à la prêtrise, connut les internements pour sa foi. Au bénéfice de la guerre put sortir d'URSS en 1943, rejoignit l’Église Russe Hors-Frontières, servit à Berlin, Stuttgart et en 1949 émigra aux Etats-Unis où il fonda le monastère de Novo-Divéevo à Spring-Valley dans l'Etat de New-York, qui à son époque la plus faste compta jusqu'à cinquante moniales. Elevé à l'épiscopat en 1968 avec pour siège la ville de Rockland. Archevêque en 1973. Connu pour sa très haute spiritualité, Soljénitsyne et Rostropovitch, notamment, avaient exprimé le désir de rencontrer ce maître spirituel à l'image de tous ces grands écrivains russes du XIX° siècle qui se rendaient à Optino pour recevoir l'enseignement des startsy. Mgr André rendit l'âme à Dieu le 12 juillet 1978, et repose aujourd'hui dans le cimetière de Novo-Divéevo qu'il avait fondé.