SERMON du 18e DIMANCHE après  la PENTECÔTE .

(2009)

 

Matines : Jean (p.63)XX, 1-10

18° dimanche : (p.188 ) 2 Cor. – 9, 6-11 / Luc (p.17) – 5, 1-11

Saint Chariton : (p.176 ) 2 Cor. – 4, 6-16 / Ev. : Luc (p.24) – 6, 17-23

 

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT

Bien-aimés Frères de Sœurs

 

Des interférences de textes, casuellement rapprochés par le déroulement du calendrier liturgique, jaillissent des éclairs !

Le septième « évangile de la Résurrection » évoque Marie-Madeleine qui voit que la lourde pierre placée devant le Tombeau a été ôtée. Elle constate aussi que le Corps du Seigneur a disparu. Elle va avertir Pierre qui vient en compagnie de Jean. Jean, plus jeune, court plus vite, il arrive le premier, voit les bandelettes, mais n’entre pas. Pierre arrive, voit d’un côté les bandelettes, de l’autre le voile du visage, et il entre. Jean raconte qu’il entre aussi : il voit et il croit. Car, ajoute-t-il, il n’avait pas encore pénétré le sens des Ecritures et compris que le Christ devait ressusciter des morts.

Nous assistons ainsi à la deuxième Conversion de Jean, à son Illumination.

Ces jeux de la lumière et de l’ombre, nous les retrouverons dans les autres textes du jour.

I – « Celui qui sème parcimonieusement, récolte peu » enseigne le premier passage de l’épître aux Corinthiens, alors que celui qui sème largement, récolte abondamment. Car l’abondance caractérise les dons de Dieu. Donnez donc généreusement !

Cette abondance, nous la contemplons dans l’évangile correspondant, celui de la pêche miraculeuse. Jésus monte dans la barque de Simon pour enseigner de là la foule massée sur la rive. Puis il dit à Simon d’aller un peu au large et de jeter son filet dans la mer. Simon lui dit qu’ils ont pêché toute la nuit sans rien prendre, mais que sur Sa parole, il lancera son filet. Ce qu’il fit, et il retire le filet si rempli de poissons que les mailles se rompaient. Il fut obligé d’appeler à la rescousse ses associés, Jean et Jacques.

Devant ce miracle, sa réaction est d’épouvante et d’humilité : « Retire-toi, dit-il au Seigneur, car je suis un pécheur ! ». Le Seigneur lui dit qu’il sera désormais « pêcheur d’hommes ». Simon et les deux frères abandonnèrent tout et le suivirent.

Il n’est pas question ici d’André le « premier appelé » frère de Simon. Un autre évangile raconte la vocation de ces quatre premiers appelés différemment et sans l’épisode de la « pêche miraculeuse ». Le positivisme primaire aimerait une seule version des faits. Mais le narré évangélique est plurifactuel : il y a plusieurs témoins, mais la Vérité inclut ces témoignages car elle les dépasse.

II – C’est ce que nous voyons dans la deuxième épître du jour que l’on lit en l’honneur de saint Chariton. C’est un texte qui nous est familier car il est fréquent dans les fêtes des saints et nous le lisons un peu distraitement, peut-être, en voyant l’évocation de la vie difficile des apôtres, persécutés, insultés et toujours imperturbablement bienveillants. Mais singulièrement  illuminateur est le début de cette péricope. Car Dieu, commence en effet l’apôtre, qui a dit que la lumière sorte des ténèbres – il s’agit du récit de la Création … - a répandu sa lumière en nous afin que nous éclairions le monde. Nous sommes là, chers Frères et Sœurs, bien au-dessus des persécutions quotidiennes et de la vie difficile des apôtres ! Et la fin de la péricope est proprement mystique : « Nous portons en nous la mort de Jésus AFIN QUE LA VIE DE JÉSUS SOIT AUSSI MANIFESTÉE DANS NOTRE CORPS ».

C’est un texte qui me semble mystiquement inépuisable …

Il n’est dès lors pas surprenant que l’évangile correspondant et dont vous avez entendu la lecture soit celui des Béatitudes.

Les Béatitudes de Luc (Luc, 6) et non pas celles qui nous sont plus familières puisque nous les entendons tous les dimanches, les Béatitudes de Matthieu (Matthieu 5).

C’est toujours ce même enseignement bouleversant et qui bouscule et renverse toutes les perspectives humaines, mais les deux textes ne se superposent pas. Le premier verset est commun : « Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume de Dieu est à eux ». Mais ensuite, outre un changement – mineur – de collocation de deux versets, on observe, dans le texte de Luc la présence, dans le deuxième et troisième verset, de l’adverbe « maintenant », qui n’est pas chez Matthieu : « Heureux ceux qui ont faim maintenant … Heureux ceux qui pleurent maintenant … » Cette notation de temporalité est totalement absente chez Matthieu. D’autre part, quatre versets – et non des moindres ! – sont présents chez Matthieu et absents chez Luc : « Heureux les doux ..., Heureux les miséricordieux …, Heureux les cœurs purs …, Heureux les pacificateurs … » Communes aux deux textes sont les béatitudes des persécutés et la mention de la récompense …

Les « Béatitudes de Matthieu » sont d’une portée totalement universelle, elle comportent la valorisation, également universelle, de la douceur et de la pureté, alors que les « Béatitudes de Luc » qui ne comportent pas cette valorisation, sont solidement ancrés dans notre réalité concrète, petitement humaine, mais vécue, du seul fait de la présence récurrente du « maintenant ».

Mais ces caractères des « Béatitudes de Luc » sont en harmonie avec ces mots de l’Apôtre : « Nous portons en nous la MORT de Jésus, afin que la VIE de Jésus soit aussi manifestée dans notre CORPS ».

Ce sont dirais-je, des béatitudes pantelantes et à la mesure de notre humanité souffrante, à peine parvenue au seuil de son élévation.

Que la Grâce du Seigneur soit toujours avec nous !

 

AMIN