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Категория: La France Orthodoxe
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Quand la grâce restaure ce que le mal a détruit

Luc 8:26–39

 

Bien-aimés frères et sœurs en Christ, l’Évangile que nous venons d’entendre nous conduit dans un lieu étrange, sur l’autre rive du lac, dans la région des Géraséniens, là où vivent des païens, où l’on garde des porcs, et où l’impureté semble régner. C’est là pourtant que Jésus choisit d’aller, là où personne ne veut aller, dans ce territoire de mort où vit un homme possédé, enfermé dans sa souffrance, rejeté par tous. Car le Christ ne fuit jamais les lieux de ténèbres : il y entre pour les illuminer. Saint Jean Chrysostome disait que le Seigneur ne se détourne pas de l’impur, car sa pureté n’est pas contaminée par le mal : au contraire, elle purifie ce qu’elle touche. C’est ce que nous voyons ici : la lumière divine descend jusque dans les tombeaux des hommes.

L’homme de Gérasa est une image de l’humanité blessée. Il vit parmi les morts, il est nu, enchaîné, criant sans cesse. Il n’a plus de paix, plus de relation, plus de dignité. Le mal l’a déshumanisé. Il ne se possède plus lui-même, car d’autres forces le dominent. Ce portrait n’est pas seulement celui d’un démoniaque du passé, mais celui de tout être humain lorsqu’il est séparé de Dieu. Le péché, la passion, la peur, la haine, tout cela nous isole, nous enferme, et fait de nous des étrangers à nous-mêmes. Saint Grégoire de Nysse a écrit que le péché est la maladie de l’âme, qui la rend semblable à un cadavre privé de la lumière divine. Mais ce que le Christ voit en cet homme, ce n’est pas un monstre : il voit une image blessée de Dieu, une icône peut être défigurée, mais jamais effacée. Et il s’approche, non pour juger, mais pour sauver.

Le Seigneur s’avance vers lui et parle à l’esprit mauvais : « Quel est ton nom ? » Ce n’est pas une curiosité, mais un acte de vérité. Nommer, c’est dévoiler, et ce qui est mis en lumière perd son pouvoir. La parole du Christ brise la confusion et restaure l’ordre. Là où règnent les ténèbres, la lumière entre et chasse le mensonge. Saint Basile le Grand disait que là où entre la lumière de Dieu, les ténèbres ne peuvent demeurer. Les démons supplient Jésus, car ils savent qu’ils ne peuvent rien contre Lui. Ils demandent de partir dans les porcs, et le Seigneur les laisse faire, non par faiblesse, mais pour montrer que la délivrance de l’homme a un prix. Les porcs périssent, mais une âme est sauvée. Saint Jean Chrysostome commente que le Christ montre ici la valeur infinie d’une seule âme, qui vaut plus que tout bien matériel.

Quand les habitants du pays viennent, ils trouvent l’homme assis, vêtu et dans son bon sens. Ces trois mots résument tout l’Évangile : assis, il est en paix ; vêtu, il a retrouvé sa dignité ; dans son bon sens, il a retrouvé la lumière intérieure. Saint Isaac le Syrien disait que là où la grâce agit, l’âme redevient ce qu’elle était au commencement, simple, pure et paisible. Cet homme n’est plus l’esclave des ténèbres, il est devenu un témoin de la lumière. Il veut suivre Jésus, mais le Seigneur lui dit : « Retourne chez toi, et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi. » La grâce ne nous enferme pas dans la gratitude muette : elle nous envoie. Ce que le Christ touche, Il le transforme, et ce qu’il transforme, il l’envoie, dit saint Grégoire le Théologien.

Frères et sœurs, chacun de nous, d’une manière ou d’une autre, connaît cet homme. Nous portons tous en nous des blessures, des chaînes invisibles, des souvenirs douloureux, des passions qui nous dominent. Parfois, nous nous sentons comme lui, isolés, impuissants, enfermés dans nos tombeaux intérieurs. Mais l’Évangile d’aujourd’hui nous rappelle qu’il n’y a pas de lieu où la grâce ne puisse descendre. Aucune tombe n’est trop profonde pour que la voix du Christ ne s’y fasse entendre. Aucune chaîne n’est trop solide pour que Sa parole ne la brise. Aucune honte n’est trop grande pour que Son amour ne la couvre. Saint Maxime le Confesseur a écrit que la grâce ne détruit pas la nature humaine, mais qu’elle la guérit, qu’elle la rend à sa beauté première. C’est cela la restauration : non pas une simple amélioration morale, mais une recréation, une résurrection intérieure.

Le Christ est venu pour restaurer l’homme, pour le rendre à lui-même, pour lui rendre son visage d’enfant de Dieu. Là où le mal a détruit, la grâce rebâtit. Là où la peur a régné, la paix s’installe. Là où la honte a enfermé, la lumière libère. Cet homme, hier esclave, est aujourd’hui témoin. Ce lieu de mort est devenu le théâtre de la miséricorde. Et c’est cela que Dieu veut accomplir en chacun de nous : transformer nos ruines en temples, nos ténèbres en lumière, nos blessures en témoignages.

Ne fuyons pas le regard du Christ. Il n’est pas venu pour condamner, mais pour restaurer. Ouvrons-Lui les portes de nos tombeaux intérieurs. Laissons-Le nous revêtir de Sa miséricorde, nous asseoir à Ses pieds, et nous rendre notre bon sens spirituel. Saint Isaac le Syrien disait qu’il n’est pas de péché que la miséricorde ne puisse effacer, car là où l’amour de Dieu s’étend, tout renaît.

Frères et sœurs, aujourd’hui encore, le Seigneur passe sur nos rivages. Il nous appelle à sortir des tombeaux où nous vivons parfois, à quitter les chaînes de nos passions, et à nous laisser restaurer par Sa grâce. Il nous appelle à devenir, comme cet homme délivré, des témoins vivants de Son amour. Car le Christ ne vient pas seulement libérer : il vient reconstruire, réconcilier, ressusciter. Et à Lui soient la gloire, la puissance et la miséricorde dans les siècles des siècles. Amen.

 

Prêtre Zhivko Zhelev